Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

M. COLL/NET concurrence, et régions pauvres à la recherche . de débouchés rémunérateurs. A ces faits, il faut ajouter un facteur intellectuel : dans la mesure où l'agronomie devient une science nécessaire à la rentabilité des exploitations, elle exige une qualification indépendante des routines traditionnelles et difficilement compatible avec .un vieillissement auquel ne manque pas de ·contribuer l'exode rural. La politique traditiq_nnelle des syndicats agricoles, axée sur les prix, trouve aujourd'hui sa limite, à la fois dans l'institution du Marché commun et dans la diversité des régions de production et des surfaces utiles : elle augmente la rente différentielle dont bénéficient les grandes exploitations sans remédier au sous-développement des autres. Hors des mesures empiriques, on ne conçoit guère, dans un avenir plus ou moins proche, que deux types d'évolution qui soient compatibles avec un remodelage des sols et avec les investissements nécessaires. L'un· relève du capitalisme agraire, l'autre de ce qu'on nomme l'agriculture de groupe 10 • L'agriculture capitaliste domine dans le Nord et le bassin parisien où le remembrement paraît achevé et où la concentration des surfaces utiles n'a pas cessé depuis quarante ans. Un membre du Centre des jeunes patrons, M. Bernard Poullain, propriétaire d'une exploitation de 220 hectares aveé une cinquantaine de salariés, a théorisé, à la manière d'un Taylor ou d'un Fayol, sur ce que doit être l'entreprise capitaliste moderne, sous le titre : <<' La nouvelle entreprise agricole » 20 • Rompant avec des habitudes séculaires, il introduit la rationalisation dans l'exploitation en séparant les tâches de manière optimale : l'entreprise est divisée en ateliers, unités se cantonnant à la fabrication d'un seul produit, voire à un stade unique de production. Exemple : la culture du maïs, la traite des animaux sont réservées à des ateliers distincts avec leur personnel spécialisé. Selon le schéma établi par Hyacinthe Dubreuil dans ses recherches sur l'industrialisation, chaque atelier de trois à cinq hommes a sa gestion autonome. Au sommet, cependant, la direction est unique et elle assume la coordination entre les différents ateliers, suivant les saisons ou · les types de production. 19. Nous lalHons de côté les petites exploitations liées par contrat à de grandes entreprises capitalistes : fruiteries, 1ucrerle11, lalterte11, etc. Elles 11ont à notre époque comme une réédition du 1aloriut ù domicile qui dominait au début de la révolution indu1trlclle, et elles en conservent les grave11 inconvénientll dunll la mesure 0(1 le11pl'oducteurs sont peu organisés, voire POIi or14ani11c'.d-u1 tout. 20. In revue Jeune Patron, n° 166, Juin-Juillet 1963. Biblioteca Gino Bianco 65 Pour éviter que la nécessaire concentration des terres ne prenne une forme capitaliste, un mouvement s'est développé depuis vingt ans qui préconise une agriculture de groupe industrielle et commerciale. Il s'agit de réunir en associations unitaires plusieurs exploitations agricoles antérieurement distinctes, d'y introduire la division en ateliers, d'y centraliser les capitaux et d'en répartir le profit au prorata des apports des associés en capital et en travail. On reconnaît là une formule de type fouriériste. Le G.A.E.C. (groupement agricole d'exploitation commune) peut avoir des objectifs globaux ou partiels ; il ne concerne dans ce dernier cas que certaines productions, par exemple l'élevage et la traite des vaches, laissant les autres à l'initiative des associés. Si ce type d'exploitation en commun rompt totalement avec la tradition individualiste du siècle dernier, il bénéficie en revanche de l'expérience d'organismes qui évoluent en marge de la production, telles les C.U.M.A. (coopératives d'utilisation de matériel agricole), et de l'entraide, parfois systématique, réalisée ·parmi les exploitants d'une même commune. L'idée d'implanter dans l'agriculture des associations de production remonte, sauf erreur, aux années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, et elle revient à l'Union des-ententes et communautés rurales, devenue en 1962 l'U.G.E.A. ii et constituée à l'origine par des militants de la J.A.C. Popularisée par le C.N.J.A. 22 et son ancien secrétaire général Michel Debatisse, elle traduit l'effort des jeunes générations pour en terminer avec les errements du passé. Les difficultés d'adaptation <l'une agriculture archaïque à l'époque de la société industrielle ont pour effet d'opposer deux générations : l'ancienne, pour qui la propriété individuelle est synonyme de sécurité ; la nouveIIe, pour • I\ ., , A. , qui cette meme propr1ete entraine une consequence des plus néfastes, l'immobilisation des capitaux nécessaires à l'exploitation. Opposition technique aussi entre la « sagesse » traditionnelle et la compétence agronomique ... En 1963, lors de son dix-septième congrès, la F.N.S.E.A. 23 adoptait une résolution en faveur. de l'agriculture de groupe, à condition que celle-ci ne favorise pas le « gigantisme » ; et en 1968 Michel Debatisse était élu secrétaire général 21. Union des groupements pour l'cxploilntion ngricole, 8, avenue Marccou, :Pari~, qui c'.-dltcune revue, l'Aoric11ll11rdee groupe. 22. Ccnlr<, nntlonnl des jctm(•s n..cricultrurs, J.l, me Ln Boc'.-lte, Purl!l. 2:1. F~clfrullon nulionnlc des syndicats <l't.•xploitnnls agricoles.

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