Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

K. BUSH Les premières entreprises converties ont également dû affronter les difficultés liées à toute réforme réalisée par étapes successives : la tentative polonaise de décentralisation échelonnée mena, on s'en souvient, à la te-centralisation de 1959 et la conversion tchécoslovaque conduisit à la stagnation économique constatée en 1963. Il n'est pas facile d'assouplir telles et telles parties d'un système, alors que la structure d'ensemble reste rigide ; on sait toutes les difficultés rencontrées par les combinats Bolchévitchka et Maiak lors des expériences faites avant l'adoption de la réforme. En ce sens, la conversion immédiate et totale de l'ensemble de l'industrie soviétique eût été préférable, mais elle était h9rs de question. D'autres difficultés ont été signalées, auxquelles on comptait porter remède avant l'extension de la réforme : insuffisance des fonds de roulement au moment de la conversion, à la suite des prélèvements excessifs effectués par les organismes coiffant l'entreprise ; l' « esprit de compromis et d'hésitation » si répandu parmi les commissions interdépartementales responsables de la conversion 11 • Les profits non récurrents qui élèvent le taux initial de rentabilité d'une entreprise convertie sont ceux tirés de la vente de biens d'équipement excédentaires et de stocks existants de produits finis ; on voit pourquoi l'indice des ventes s'est souvent accru davantage que celui de la production brute. On a cité certains cas d'entreprises qui ont été. converties alors que leurs assises n'étaient pas encore bien solides ; c'est ainsi qu'une usine de machine-outils a été convertie le 1er janvier 1967 alors qu'elle accusait un déficit considérable (1.400.000 roubles) et n'arrivait même pas à réduire ses pertes au niveau prévu. Dans ce cas particulier, l'usine ne fut convertie que pour permettre au ministère compétent de déclarer que toutes les entreprises placées sous sa tutelle relevaient désormais du nouveau régime 12 • Il est cependant permis de penser qu'il y aura bien d'autres « convertis malgré eux », à mesure de l'extension de la réforme aux entreprises de rentabilité moyenne, voire aux entreprises déficitaires. Lutte contre l'inertie LEs· PRINCIPES ET MÉTHODES de planification et de gestion appliqués à l'industrie soviétique 11. Izue,tla, 81 Jumet 19661 Dengl I Kredlt, n° 9, 1966, p. 3; P1'tll1da, 29 tepfembre 1960. 12. Soplettk41a RQ,,lla, 20 Janvier 1967, Biblioteca Gino Bianco 37 n'ont guère changé durant deux générations de bureaucrates ; c'est la résistance au changement qui a été, tout au moins pendant la période initiale, le plus .grand obstacle à l'application des réformes. Comme l'a observé l'économiste A. Birman, c'est par les hauts fonctionnaires placés au sommet des administrations que les mesures proposées avaient été le plus violemment critiquées au cours des débats préalables, notamment à la session plénière du Comité central de septembre 1965 ; or ce sont précisément ces mêmes fonctionnaires qui ont été chargés de les appliquer ~s. Les doléances exprimées dans la presse vont de la critique del' « ingérence » ou des « inquiétudes exagérées » de la bureaucratie dans son ensemble à l'exposé. des pratiques abusives de tels ministères en particulier. De nombreux cas ont été cités dans lesquels les ministères continuaient à imposer les anciens indices aux entreprises appliquant le nouveau ~ystème 14 • Fidèles à eux-mêmes, tels autres ministères se sont adaptés aux temps nouveaux au point de fixer les nouveaux indices... mais pour faire bonne mesure, ils ont tenu à maintenir aussi les anciens 15 • Un certain Bélikov, chef d'un glavk (comité) au ministère du Matériel de construction immobilière et routière, semble s'être particulièrement distingué sur ce plan, au point de mériter un prix d'obstruction. Non content d'imposer à l'usine de matériel de construction Koliouchtchenko tous les anciens indices, il modifia seize fois les plans de l'entreprise au cours des neufs premiers mois de son intégration au nouveau système 16 • Une entreprise a indiqué que dans plusieurs èas ses dépenses salariales avaient été confrontées par les services ministériels de contrôle avec l'ancien indice de production brute, le val. Ces services s'étaient donc probablement référés au val non seulement pour contrôler la masse salariale, mais pour la déterminer ; autrement dit, ils avaient également fixé, selon leurs anciens· errements, la production brute de l'entreprise. « D'une manière générale, le val renversé remonte tout doucement sur le trône 17 • » En fait, il ressortait clairement de maints autres témoignages qu'il n'avait jamais été détrôné. Plus d'un an après l'adoption de la réforme", les plans ministériels étaient toujours établis en fonction des chiffres de production brute, ce qui ne pouvait manquer d'influer sur les 13. Novy Mir, n° 12, 1965, p. 12. 14. Cf. par exemple Pravda Oukrarnu du 28 JulJlct 1966 et Pravda du 8 octobre 1966. 15. Bkonomitcht1kaia Gazeta, n° 46, 1966, p. 78. 16. Llteratournaia Gazeta, 1 •r février 1967, p. 10. l 7, Bkono(II ltche11tala Gaztta, n ° 81, 1966, p. 18,

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