L 'Expérience communiste LA RÉFORME ÉCONOMIQUE EN U.R.S.S. PREMIER BILAN* par Keith Bush MALGRÉ CERTAINES APPARENCES, la conversion actuelle de l'économie soviétique est une entreprise essentiellement prudente. Les mesures prévues en septembre 1965 étaient d'une portée limitée, leur mise en œuvre a été plus lente qu'on ne le pensait et elles comportaient certaines dispositions restrictives permettant au pouvoir central de régler, à tout moment, le rythme d'évolution. En fait, la marge d'initiative laissée aux chefs d'entreprise était sensiblement plus étroite que celle qui leur avait été accordée au cours des expériences de la période préparatoire. Enfin, les mesures de décentralisation envisagées étaient plus timides que dans tels autres pays communistes, en particulier la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Les dirigeants avaient d'ailleurs implicitement reconnu la portée restreinte du programme initial en s'engageant à renoncer peu à peu, à mesure de l'extension de la réforme, à certains de leurs pouvoirs, telle la détermination, par l'autorité centrale, de la masse salariale de l'entreprise ou de la nomenklatura, c'est-à-dire la liste complète des produits à fournir. Il importe de retenir avant tout que l'équipe au pouvoir n'entend nullement - contrairement à ce que l'on a pu lire dans la presse occidentale - « présider à la liquidation » de la planification. Dès la fin du règne de Staline, la charge des décisions à prendre et le volume des communications avaient dépassé la capacité • Le, étude• lérteu1ement documentées sur le fonctionnement effectif de l'économie soviétique sont 11 peu nombreU181 en langue française que nous avons tenu à publier cette analyae de Keith Bush, qui conserve tout son intérêt bien qu'elle porte e1aentlellement 1ur la période Initiale de la • rMorme • - celle qui va du début de 1966 aux premiers mol1 de 1967. Le Contrai ,octal a déJà publié, dans son numn de mal-Juin 1967, un article du même auteur 1ur le nouveau plan qulnquenn-1. - N.d.l,R. Biblioteca Gino Bianco et engorgé les circuits des organes centraux de planification et des ministères industriels. La solution de Khrouchtchev consistait à répartir les pouvoirs de décision entre plus de cent conseils économiques régionaux : elle créa plus de difficultés qu'elle n'en résolut. La réforme de Kossyguine vise à épargner à l'organe central une multitude de problèmes micro-économiques, libérant ainsi pour des tâches plus sérieuses les circuits de direction et de gestion. L'abandon de la « surveillance mesquine » quotidienne de chaque entreprise aura ainsi pour effet non pas d'affaiblir, mais de renforcer le pouvoir de l'organe central. Même après la réalisation complète du programme actuel, tous les leviers de commande resteront aux mains des planificateurs centraux ; Je leurs décisions continueront de dépendre la· structure de la production, la politique d'investissement, la répartition de la plus grande partie des matières premières et de l'outillage, ainsi que la masse salariale globale, la fiscalité et les taux d'intérêt. Il est vrai que pour la plupart des entreprises le nombre des « indices de réalisation » imposés à la direction a été ramené à huit, mais ce sont les huit éléments singulièrement importants que voici : volume des ventes ; nomenclature des produits fabriqués ; masse salariale ; marge bénéficiaire et rentabilité ; contributions à faire au budget ou avances à recevoir ; volume des investissements d'Etat et utilisation de la capacité de production ; prévisions de renouvellement du matériel; enfin, volume des approvisionnements industriels 1 • Ainsi, pour tous ces éléments, le chef d'entreprise est tenu de respecter des normes prédéterminées. On voit à quel point, même dans le nouveau système, la liberté d'action du gestionnaire demeure restreinte. 1. Pravda, 28 septembro 1965,
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