Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

E. DELIMARS ( ...) Au nom de tous les diplomates Lockhart s'adressa à Berzine : • - Si vos tirailleurs contribuent à libérer la Ru8sie du joug bolchéviste, nous garantissons à votre patrie le départ des occupants allemands et l'indépendance politique complète. Cela vous donne-t-il satisfaction ? - Entièrement, mais il me faut une confirmation par écrit. - Vous l'aurez. Quant aux grandes unités qui vont agir avec vous, vous savez qu'à Moscou se trouvent 38.000 ex-officiers tsaristes - des alliés fidèles pour nous et pour vous. Le plan de l'action commune vous sera exposé par monsieur Constantin. Enfin, troisième point : pour leur participation à l'entreprise, les officiers _supérieurs recevront 100.000 roubles, les officiers subalternes 50.000 et les tirailleurs 2.000 roubles chacun. Cela vous va ? Après une minute de réflexion, Berzine répondit : - D'accord. Il faut de l'argent pour agir. Beaucoup d'argent. Lockhan reprit : - Je me félicite que nous nous soyons s1 rapidement 'entendus. Puis, avec un large geste de la main : - Messieurs, permettez-moi d'offrir en votre nom · au colonel Berzine le poste de ministre de la Guerre du futur gouvernement letton. Ces paroles reçurent une approbation générale. Berzine se leva : - Je suis heureux de pouvoir servir ma petite Lettonie sous l'égide d'aussi puissants alliés. Je veux espérer que notre collaboration apportera des avantages appréciables à nos pays respectifs. Maintenant, permettez-moi de me retirer : le service me réclame (pp. 180-84). Le lendemain, Reilly chargea Berzine de lui présenter en personne, dans le délai d'une semaine, tous les commandants d'unités lettones ralliés au complot. Il devait également préciser quelles étaient les unités chargées de la garde du stock d'or à la gare de Mitino (pp. 198-99). Pour la mise en scène de ce tableau, Peters avait réuni, par ordre de Dzerjinski, des officiers absolument sûrs. Pour qu'ils ne risquent point de se trahir devant Reilly, il fut convenu qu'ils ne parleraient que le letton, que l'irlandais n'entendait point, et que Berzine traduirait questions et réponses. Ce dernier prévint ses camarades : « Souvenez-vous que vous n'êtes pas des officiers simplement soudoyés. Vous êtes des idéalistes combattant pour la liberté de la Lettonie, leur patrie adorée. Votre attitude doit être empreinte de dignité. Vous allez vous présenter, l'un après l'autre à l'appartement 5, Griboïédovski Péréoulok, n° 5. Vous frapperez deux coups, puis encore deux coups. Noms et grades seront fictifs. Tous, vous devez commander ou commander en second un régiment, ou tout au moins eue chef d'état-major. Entendez-vous au préalable sur cc point, afin d'éviter toute confusion. » Biblioteca Gino Bianco 31 Reilly vint au rendez-vous accompagné de Vertamon et de Kolomatiano. Ce dernier voulut• d'abord savoir si Berzine pouvait garantir l'absence d'un agent de la Tchéka parmi les officiers. Il fut pleinement rassuré. Puis, à tour de rôle, les Lettons pénétrèrent dans l'appartement et se présentèrent de façon impeccable. Reilly examinait chacun d'eux des pieds à la tête, le regardait droit dans les yeux, lui serrait chaleureusement la main et, de temps à autre, posait une question. Comme pr~vu, Berzine faisait l'interprète. Ensuite tout le monde passa au salon, où Reilly prononça une courte allocution : les Alliés plaçaient de grands espoirs en ces fidèles enfants de la Lettonie, décidés à combattre le régime bolchéviste et à rétablir le pouvoir légitime (il ne précisa pas lequel, la monarchie n'étant guère populaire chez les Lettons). Vint la péroraison : « Nous avons confiance en vous, messieurs les officiers, comme en nous-mêmes. Soyons fidèles à notre devoir. Le colonel Berzine vous donnera toutes directives. » Reilly fut très favorablement impressionné. Seul, Kolomatiano s'étonnait de l'obstination des officiers à ne parler que le letton... Le même soir, Reilly prit le train pour Pétrograd en promettant d'être de retour le 1er ou le 2 septembre. Il demanda à Berzine de présenter auparavant à Lockhart un plan minutieux de l'opération prévue pour le 6 septembre au Grand Théâtre (pp. 213-15). * * * TOUJOURS selon le conteur soviétique, c'est le 30 août que Berzine rencontra Lockhart, De Witt Poole et Grenard. Son plan fut accepté à l'unanimité. Sûrs du succès, les diplomates envisagèrent aussitôt les mesures à prendre après le renversement des bolchéviks. Il fut décidé de mettre en place un groupe de personnalités investies d'un pouvoir dictatorial, avec mission de rétablir l'ordre, la constitution du gouvernement proprement dit étant renvoyée à plus tard. Lockhart remit à Berzine un laissez-passer établi au nom du capitaine Krych Krankol. Il s'agissait de faire porter à Mourmansk le chiffre secret de Lockhart en utilisant un émissaire choisi par Berzine, à qui furent comptés les derniers 300.000 roubles promis.

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