E. DEL/MARS un grade d'officier subalterne et la croix de Saint-Georges. Au front, il fait la connaissance de Peters, vieux bolchévik qui, mobilisé lui aussi, est chargé par le Parti de la propagande parmi la troupe et les cadres. Les deux Lettons deviennent rapidement amis, malgré la différence d'âge. Ils se retrouvent en janvier 1918. Peters occupait alors un poste important à la Tchéka de Pétrograd et l'unité lettone de Berzine faisait partie du service de garde des édifices publics. Une première tentative de Reilly pour entrer en contact avec Berzine à Pétrograd, par l'intermédiaire d'un certain Alexandre Biba, bandit professionnel qui avait fait par hasard la connaissance de celui-ci, n'avait rien donné, le gouvernement communiste étant sur ces entrefaites parti pour Moscou avec son escorte lettone. Encore adolescent, féru des choses de la mer, Reilly aimait à traîner dans les caboulots du port d'Odessa, sa ville natale. Une nuit, en 1906, il avait trouvé, étendu par terre, un voleur roué de coups et blessé à la tête. Il l'avait conduit chez lui et soigné pendant plusieurs jours. Une fois rétabli, ce pilier des basfonds connu sous le sobriquet d'Arkachka s'était attaché comme un chien à son bienfaiteur et lui rendait nombre de menus services. Subitement, il disparut. A quelque temps de là, Reilly apprit que son protégé venait d'être condamné au bagne. Depuis, il avait complètement perdu Arkachka de vue pour ne le rencontrer de nouveau qu'en janvier 1918, dans une rue de Pétrograd. Après deux années de détention à Akatouï, Arkachka s'était évadé, avait réussi à passer la frontière et avait repris son métier de voleur en Europe centrale. Pris dans un hold-up à Vienne, au début de 1914, il avait été livré par les Autrichiens aux autorités russes. On l'avait renvoyé au bagne d'Akatouï, avec cinq années supplémentaires à tirer. Libéré avant terme par le gouvernement de Kérenski, ce bandit, auquel ses aventures à l'étranger avaient valu parmi les forçats le surnom d' « Arkachka Sang bleu », était revenu à Pétrograd où il vivait, comme beaucoup de ses pareils, en détroussant le soir les passants attardés. Reilly avait aussitôt pris comme agent cet homme qui lui était tout dévoué et il lui avait procuré une carte de collaborateur de la Tchéka établie au nom d'Alexandre Valéev. La présence dans les services de la Tchéka, à Biblioteca Gino Bianco 27 cette époque, de nombreux socialistes-révolutionnaires de gauche (disent les communistes) rendait facile aux Anglais l'établissement de tels documents. Reilly lui-même, parmi bien d'autres fausses pièces d'identité, était détenteur d'une carte d'agent de la sûreté criminelle de Pétrograd au nom de Constantin Rélinski. * * * LA MUTATIONDE BERZINEavec son unité de Pétrograd à Moscou, et son affectation à la protection du gouvernement, avaient naturellement accru l'intérêt de Reilly pour cet officier. Ses agents, Arkachka et surtout Tiltine, un pasteur letton nationaliste, furent chargés d'établir le contact. Tiltine, ecclésiastique luthérien, était déjà, bien avant la guerre, au service de l'Okhrana tsariste. Pendant les hostilités, grâce à la recommandation d'un colonel du corps des gendarmes, il fut nommé aumônier de la IIe brigade de tirailleurs lettons dont faisait partie le 4e régiment de Vidzy, où servait l'enseigne Edouard Berzine. Après la révolution d'Octobre, Tiltine se réfugia d'abord à Iaroslavl, puis à Rybinsk, pour échouer finalement à Moscou. Sans ressources et mourant presque de faim, il fut recueilli par son compatriote le tchékiste Sprogis qui, sous le pseudonyme de colonel Bredis, travaillait par ordre de Dzerjinski au Centre national letton. Sprogis parvint à jouer un rôle important dans cette organisation clandestine antibolchéviste, en contact avec Boris Savinkov et Sidney Reilly. Par ordre de la Tchéka, mais en prétendant agir pour le compte de Reilly, Bredis chargea Tiltine de sonder Edouard Berzine. A l'occasion des obsèques d'un tirailleur letton, auxquelles il assistait de loin, feignant de prier pour le défunt, Tiltine put aborder l'ex-enseigne. Berzine ne cacha pas qu'il en avait assez de la vie de caserne et qu'il serait heureux de combattre de nouveau. Rendant compte de cet entretien d'abord à Bredis, puis à Reilly, en présence de Savinkov, Tiltine enjoliva les choses. Selon lui, Berzine était tout disposé à combattre les bolchéviks au nom d'une Lettonie libre. De son côté, Berzine rendit compte à Peters de sa conversation avec Tiltine. Peters était déjà au courant, grâce à Bredis. La perspective d'atteindre Reilly, voire Lockhart lui-même, par l'intermédiaire de Berzine, devenait de plus en plus tentante. La Tchéka aurait la preuve que
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