Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

E. DEL/MARS L'Armée rouge n'était encore qu'en voie d'organisation. Des forces hostiles au régime soviétique attaquaient de toutes parts 8 • Tous les espoirs semblaient permis aux multiples complots antisoviétiques. Très bien renseignés s_urles difficultés du gouvernement de Moscou, leurs .chefs formaient les projets les plus audacieux, dit la revue communiste : Lockhart développe une activité de plus en plus grande et rencontre très fréquemment Grenard et les diplomates américains. Son service de renseignements, dirigé par Boys, est renforcé par l'arrivée d'un as de l'Intelligence Service, Sidney Reilly, spécialement envoyé de Londres. Son appartement moscovite est assiégé par les émissaires des généraux Alexéïev, Kornilov et Dénikine O • Cette agitation « suspecte » préoccupe la Tchéka, laquelle prend des mesures : Aujourd'hui, grâce à l'étude approfondie des dossiers de cette affaire, il est établi avec certitude que le complot de Lockhart fut, de bout en_bout, connu de la Tchéka. La surveillance était dirigée personnellement par F. E. Dzerjinski et par son suppléant à Léningrad, la. Ch. Peters. Voici cotp.ment on avait procédé : Dzerjinski chargea deux tchékistes lettons, Ian Buikis et Ian Sprogis, de s'affilier à une organisation contre-révolutionnaire afin d'identifier qui détenait les fils du complot et qui soutenait moralement et matériellement les conjurés. Bien entendu, ces tchékistes agissaient sous de faux noms : Buikis était devenu Schmiedchen, et Sprogis, Bredis. . Munis d'instructions de Dzerjinski, èes deux agents se rendire·nt à Pétrograd où se trouvaient alors les principaux foyers de la contre-révolution. Se présentant comme des d~légués des anticommunistes clandestins de Moscou à la recherche de contacts avec ceux de Pétrograd, ils n'~urent aucune peine à y trouver des « amis politiques », très nombreux en cette de"rnière ville. Schmiedchen et Bredis ne mirent que· ù~ux moi; à pénétrer dans les milieux qui intéressaient la Tchéka et à gagner leur confiance. Ils s'abouchèrent avec une organisation contre-révolutionnaire de marins mHitaires, laquelle était dirigée par Cromie, attaché naval à l'ambassade de Grande-Bretagne. Après avoir soigneusement contrôlé la « sincérité contre-révolutionnaire >> des deux tchékistes, cette organisation les présenta à Cromie à l'Hôtel de France. Au rendezvous suivant, au même endroit, Cromie présenta les deux Lettons à Sidney Reilly. Leur comportement, ne fit naître aucun soupçon chez les deux Anglais .qui préconisèrent leur prompt retour à Moscoù où, selon Cromie, Lockhart avait grand besoin d'hommes comme eux. L'attaché naval leur remit sous pli fermé une lettre de recommandation pour Lockhart. Après quoi Reilly partit lui aussi pour Moscou, afin de surveiller ses nouveaux collaborateurs. La lettre de recommandation de Cromie, lue par Dzerjinski avant d'être remise à Lockhart, s'insérait dans le développement de l'affaire, tel que l'avait prévu la Tchéka. ••·· ---- 8. G.E.S., lbld. 9. /.' Blat 11ovll>llq11t ... , op. rit. BibliotecaGino Bianco 25 Elle fit naître chez Dzerjinski l'espoir d'util!.:-·er Lockhart pour prendre contact avec le commandement des troupes alliées débarquées à Mourmansk et qui progressaient vers l'intérieur du pays. Il s'agissait de les attirer au plus profond des forêts du Nord, puis de les faire exterminer par l'Armée rouge. Les instructions données aux deux agents provocat~urs furent complétées en conséquence 10 • Nous verrons par la suite que seule l'évolution rapid~ des événements dans la deuxième quinzaine d'août 1918 aurait contraint la Tchéka à abandonner cette variante, extrêmement dangereuse pour les Alliés, de la provocation en cours. Au début d'août, Schmiedchen et Bredis se présentèrent à la mission diplomatique de Grande-Bretagne, au n° 19 de la rue Bolchoï Kharitonievski, où ils furent reçus par Lockhart. En spécialiste expérimenté et matois des services de renseignements, celui-ci commença par vérifier très soigneusement l'authenticité de la lettre de Cromie. Elle était. indiscutable. Les deux tchékistes déclarèrent à Lockhart qu'ils étaient d'anciens sous-lieutenants de l'armée tsariste et qu'ils avaient conservé des contacts avec plusieurs de leurs compatriotes, officiers d'assez haut rang dans les formations de tirailleurs lettons soviétiques. Ils affirmaient que nombre de ces officiers avaient perdu leur foi en l'idéal communiste, qu'ils avaient complètement changé. d'attitude à l'égard de la révolution et du pouvoir bolchéviste et qu'ils étaient prêts à se rallier aux Alliés à la première occasion 11 • A l'époque, pareille allégation était psychologiquen1ent très vraisemblable. La paix de .Brest-Litovsk, qui avait livré les pays Baltes à l'occupation allemande et ramené en Lettonie les hobereaux locaux, pouvait en effet exaspérer chez les Lettons la haine violente de leurs oppresseurs séculaires, les barons bal tes, et les détourner des bolchéviks, tenus pour responsables. Après plusieurs entretiens avec Schmiedchen, Lockhart, ainsi que Reilly, qui entre-temps ne cessait <le surveiller étroitement ces provocateurs, avaient reconnu que les deux hommes étaient sûrs et fort utiles pour les projets des Anglais. Lockhart leur parla alors très franchement. Il s'agissait d'acheter les hommes des unités lettones chargées de la garde du Krerrilin, de s'emparer de Lénine et de l'assassiner, d'arrêter, grâce aux Lettons, tous les membres du gouvernement et de les livrer au commandement allié, à Arkhangelsk 12 • Outre cette révolution de pal..1is, on devait détruire des points ferroviaires important:;, notamment le pont sur le Volkhov, ce qui condamnerait Pétrograd à la famine, les dépôts de vivres de la ville devant être incendiés. Selon les conjurés, les troubles parmi la popu• lation ne pouvaient que faciliter le renversement du pouvoir soviétique. 10. lbi,J. 11. Ibid. 12. lbitl.

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