LE SOCIALISME DE LÉNINE par Pierre Pascal IL N'EST PAS FACILE d'exprimer la substance d'un ouvrage dense de pensée et sobre de mots tel que celui de Jean Laloy *. Je m'efforcerai d'en donner une idée aussi approchée que possible. Comme son prédécesseur de 1966, Entre guerres et paix, 1945-1965, c'est un livre de réflexion et non de narration. Cela ne veut pas dire que les faits n'y soient pas présents : au contraire, ils sont nombreux et puisés aux bonnes sources. L'auteur s'est imposé, entre autres, la lecture dans les originaux des écrits de Lénine, cette lecture dont se sont manifestement dispensés tant de ceux qui ont traité ces derniers temps de la révolution russe. Mais des faits il a dégagé les problèmes politiques qui y étaient impliqués et les solutions apportées par Lénine. Deux grands problèmes sont apparus à Jean Laloy. Premier problème : la révolution que Lénine, disciple de Marx et d'Engels, envisage avant 1917 est une révolution universelle, car après la victoire des travailleurs « l'Etat-Nation » doit faire place à une société mondiale où les antagonismes entre nations auront disparu. Or en attendant cette victoire le fait national subsiste. Comment donc le parti bolchévik, d'abord en doctrine et dans sa propagande, ensuite dans son exercice du pouvoir en Russie, résoudra-t-il cette difficulté ? Deuxième problème : Lénine a voulu une révolution socialiste. Or c'est en Russie qu'il a dû commencer cette révolution, en l'absence • Jean Laloy : Le Soclall,me de U11ine. Pari• 1967, ONCIN de Brouwer, St 7 pp. Biblioteca Gino Bianco des conditions prévues par la théorie marxiste. Comment donc a-t-il conçu, dans les conditions russes, la réalisation du socialisme ? Les deux problèmes déterminent les deux parties du livre. Nous retrouvons en somme la division classique des manuels d'histoire, à peu près ceci : « Règne de Lénine : 1. Politique extérieure ; 2. Politique intérieure ». On ne peut sans doute lui échapper. La formulation plus complexe de la première partie de J. Laloy se justifie en ceci que l'Etat russe ne connaît pas seulement des relations avec d'autres Etats, mais aussi, à l'intérieur de ses frontières, des relations entre la nationalité grand-russienne dominante et d'autres nationalités. D'une part, Lénine a eu affaire à des pays alliés qui exigeaient de la Russie la continuation de la guerre alors que la raison d'être de la révolution était la paix, et en mê1ne temps à une armée allemande prête à envahir la Russie alors que le principal espoir de salut de la révolution était sa propagation tout d'abord en Allemagne. D'autre part, il était placé en face de nationalités pressées de réaliser le droit à l'autodétermination que leur reconnaissait la révolution, alors qu'il plaçait bien au-dessus des exigences nationales l'unité de la lutte de classe du prolétariat. Un Lénine se débattant entre tant de contradictions pouvait faire un personnage dramatique. Ne disait-il pas lui-même le 8 novembre au matin : « Es schwindelt (La tête me tourne) » ? J. Laloy cite le mot, rapporté par Trotski, mais ne cède pas à la tentation. Il analyse les situations, passe en revue les solutions qui étaient possibles au moment donné, constate celle que Lénine a choisie, recherche
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