B. SOUVARINE à la force physique, n'avait à opposer que des forces morales. * * * Au COMITÉCENTRALl,es principales raisons des opposants et des hésitants se résumaient comme sllit : nous n'avons pas la majorité dans le peuple·; la bourgeoisie n'est plus assez forte pour faire échouer la Constituante; nous devons exiger du gouvernement la convocation de la Constituante, où les bolchéviks seront une opposition puissante ; la bourgeoisie ne peut pas livrer Pétrograd aux Allemands ; rien dans la situation internationale ne nous presse d'agir ; tous les partis sont contre nous, les cheminots et les postiers aussi ; Pétrograd n'a de pain que pour deux ou trois jours ; si nous n'obtenons ni paix ni armistice, les soldats peuvent ne pas vouloir d'une guerre révolutionnaire ; les masses ne sont pas d'humeur à descendre dans la rue ; enfin un parti marxiste ne saurait « ramener la question de l'insurrection à un complot militaire ». A quoi Lénine répond par une lettre qui n'occupe pas moins de vingt-deux pages dans un tome de ses Œuvres et que le journal du Parti publie du 1er au 3 novembre, verte réplique point par point qui réitère et développe toutes les affi~mations précédentes, de plus en plus catégoriques. Il ne convainc pas pour autant Zinoviev et Kamenev qui donnent à la N ovaïa J izn, journal de Maxime Gorki, un article justifiant leur position et critiquant implicitement celle du Comité central. Lénine dénonce derechef leur « trahison » dans une lettre que les autres dirigeants préfèrent ne pas publier, de même qu'une nouvelle lettre, du 1:er novembre, où Lénine propose d'exclure du Parti les deux dissidents. Enfin le 6 novembre, Lénine somme le Comité central d'agir « à tout prix, ce soir, cette nuit », sans plus tergiverser, pour mettre le Congrès des Soviets devant un fait accompli : « Le peuple a le droit et le devoir de trancher de telles questions non par des votes, mais par la force (...). Attendre pour agir, c'est la mort. » A la question : « Qui doit prendre le pouvoir? », Lénine répondait : « Cela importe peu en ce moment : que le Comité militaire révolutionnaire le prenne, ou une autre institution ... » Ce Comité militaire nommé de fraîche date (26 octobre) par le Soviet de Pétrograd que présidait Trotski, avait également Trotski à sa tête, - et la garnison de la capitale à ses ordres. Un « Centre militaire » de cinq membres désignés par le Comité central lui Biblioteca Gino Bianco 269 fut incorporé. Trotski disposait ainsi d'un véritable état-major insurrectionnel, qui prenait ses mesures au vu et au su de tous. « Au centre de ce travail de mobilisation se tenait le Soviet de Pétrograd qui avait démonstrativement élu président Trotski, le tribun le plus brillant du mouvement prolétarien », a écrit Boukharine. Au Soviet de Pétrograd, Trotski ne craignit pas de proclamer : « On nous dit que nous préparons un état-major rur saisir le pouvoir. Nous n'en faisons pas 1nystère. » Il pouvait compter sur la garnison, prête à tout plutôt que de partir pour le front. « L'issue de l'insurrection du 7 novembre était déjà prédéterminée au moins aux trois quarts quand nous nous opposâmes à l'éloignement de la garnison de Pétrograd ( ...). Depuis que, sur l'ordre du Comité militaire révolutionnaire, les bataillons s'étaient refusés à sortir de la ville, nous avions dans la capitale une insurrection victorieuse à peine voilée ( ...). L'insurrection du 7 novembre n'eut qu'un caractère complémentaire » : ce témoignage convaincant est de Trotski lui- " meme. Le coup de force s'accomplit prosaïquement dans la nuit du 6 au 7 novembre. « Les points les plus importants de la ville furent occupés par nous pendant cette nuit décisive presque sans con1bat, sans résistance, sans victime », liton chez Trotski, maître des opérations. En ouvrant la séance extraordinaire du Soviet de Pétrograd, le 7 novembre, Trotski prit la parole en ces termes : « Au nom du Comité militaire révolutionnaire, je déclare : le Gouvernement provisoire n'est plus ( ...). La garnison révolutionnaire qui est à la disposition du Comité militaire révolutionnaire a dissous la réunion du Préparlement ( ...). On nous disait que le soulèvement de la garnison à ce moment allait provoquer un massacre ( ...). Jusqu'à présent aucun sang n'a coulé ( ...). Les habitants dormaient tranquillement sans savoir que pendant ce temps le pouvoir était remplacé par un autre. » Si le prolétariat, si les « masses » avaient dû intervenir, la population aurait passé une nuit moins tranquille. Seule la prise du Palais d'Hiver défendu par des élèves officiers et des femmes-soldats donna lieu dans la journée du 7 à un bref combat, démesurémen·t grossi dans les « souvenirs » rétrospectifs. Au dire d'Adolphe Iofie, membre du Comité militaire ' on ne compta que six victimes. Le petit croiseur Aurore, embossé sur la Néva, n'eut qu'un rôle décoratif et ne tira qu'un coup à blanc en guise de signal. ' Au nom du Comité militaire (dont il n'était pas membre ...) Lénine lança une courte procla- ,r
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