310 contre un salaire régulier ; ceux qui avaient été formés pour la mécanisation agricole sont devenus conducteurs de grues. Le village privé de sa jeunesse est devenu silencieux. Comment espérer se marier ici ? Etre vachère n'est pas un emploi « romantique ». Vyiti v lioudi, c'est quitter le kolkhoze. On y revient pour la chasse ou pour aider la vieille mère à rebâtir l'izba. Les écoles rurales, malgré un grand nombre d'internats inter-villageois, ne donnent pas de chanèes égales pour entrer dans un institut 1 ;;. Faut-il accuser l'instituteur qui doit souvent consacrer plus de' temps libre à sa ferme qu~à ses· fonctions d'animateur ? Faut-il en vouloir à la génération précédente qui ne com~ren? pas toujours la science et l~s mod~s de la ~Ille ? Souvent déçue par les « innovations » imposées à la hâte, elle s'interroge : « Qu'avonsnous besoin d'un agronome s'il pleut suffisamment? » 3. LE VILLAGE. - Il serait injuste de traiter ceux qui restent de « tiomny narod » ( rustres), malgré la persistance tenace de l' alcoolisme entretenu par la distillation clandestine. Le paysan n'est plus un illettré 1(,. Le village. n'est plus aussi isolé qu'autrefois. Les routes laissent encore fort à désirer, entretenues par la corvée (4 à 6 journées par kolkhozien actif) : 78 % des routes en R.S.F.S.R. sont de simples chemins de terre 17 • Les liaisons avec la ville sont lentes et irrégulières .. Deux familles sur trois possèdent une bicyclette 1 ~ ; la radio et la télévision (7 % des familles rurales avaient un poste autonome en 1962 19 ) rendent familiers à chacun les grands thèmes de la vie nationale. Le marché, les emplettes, les démarches, le_s réunions - pour ceux qui ont des responsabilités - entraînent des déplacements fréquents. Les affaires sérieuses ·se trajtent au centre du rayon, car le « soviet rural » n'a que des. attributions · très limitées. La boutique du village, (sel'oo) ne vend qu'un assortiment réduit d'épicerie, de mercerie et d'habillement. ·Le reste vient de la ville (60 % des acheteurs du GOUM à Moscou sont étrangers à la capitale 20 ). L'artisan, devenu rare dans les campagnes, travaille en équipe volante (chabachniki), là où 15. En R.S.F.S.R., 11.000 écoles rurales ont moins de 16 élèves (Iwestia, 4 novembre 1965). 16 Le nombre des illettrés a diminué de 79 % dans Ja pop{i}ation rurale en 1897 à 49,4 % en 1926 et 1,8 % en 1959. 17. Jwestia, 26 octobre 1966. 18. Pravda, 17 mai 1962. 19. La Pravda du 22 août 1962 précise le nombre de récepteurs à la campagne. 20. Ekonom. Gazeta, n° 42, -octobre 1966. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE on le paie un bon prix. Le pope - là où il subsiste - se fait discret. Le ramasseur (skoupchtchik) et l'usurier de jadis ont définitivement disparu. Les nouveaux notables (natchal'stvo ), ce sont ces « messieurs qui circulent dans des voitures » : les revizors ou surveillants-contrôleurs ( oupolnomotchennye) qui pullulent au moment de la moisson et harcèlent le président. Ce dernier est pour le paysan ( riadovoï,) comme la langue d'Esope, le principal responsable de sa prospérité ou de son infortune. Sa tâche est délicate : concilier l'inconciliable, les exigences du Plan, les « directives », avec les caprices de la ·nature et les pijrticularités . d,u terroir ; conserver la confiance des autorites qui l'ont choisi et garder le respect de « ses » P.ens sans être la victimes des babas à la larme f ~cile ; obtenir par tous les moyens - sans tomber dans l'illégalité - les fourrages, les matériaux de construction, les pièces détachées qui sont rares. Beaucoup n'ont pas tous ces . scrupules ; leur préoccupation est de faire carrière, de « changer d'aiguillage » au bon moment. Ils viennent « du dehors », leur passqge au village n'est qu'un stage de plus~ Le << brigadier » par contre est « de chez..nous » ; il connaît les soucis et les faiblesses de chacun. Le village n'est plus comme autrefois un centre autonome. Il a été regroupé - pas. toujours avec enthousiasme - pour se fondre avec d'autres villages dans cette administration P.;éante que forment les kolkhozes et les sov1:hozes actuels. La communauté villageoise se trouve ainsi diluée. L'habitat rural reste encore très dispersé : une localité rurale compte en moyenne 154 habitants en 1959 contre 198 en 1926. Les tentatives de concentration (agrovilles) se sont heurtées à l'attachement des paysans pour leur maison individuelle ainsi qu'à des obstacles financiers. Les bourgades - riches .sont fi.ères de leur « Maison de la Culture » dont l'architecture rappelle quelquefois le style un peu lourd des anciennes ousadby. C'est là que se concentre désormais la .vie culturelle et sociale pour la nouvelle , , • . 1 : generat1on. · · La vieille ég1ise a fermé ses portes, transformée en atelier ou en hangar. Autour d'elle, le vieux ,cimetière est encorè utilisé ; les tombes sont presque toutes surmontées de croix. Survivance de la foi ou précaution pour l'audelà ? Les fêtes traditionnelles et certains rites se sont conservés à l'occasion- ·des funérailles, des naissances et des mariages ( 10 % ..
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