revue '1istorÏIJUet crÎIÎ'Jue Jes faits et Jes iJées Sept.-Oct. 1967 Vol. XI, N° 5 LE COUP D'OCTOBRE par B. Au COURS du demi-siècle écoulé depuis la prise du pouvoir par les bolchéviks, ce que les communistes actuels désignent par la « grande révolution socialiste (ou : -prolétarienne) d'Octobre », toutes les analyses compétentes et tous les commentaires sérieux de cet événement historique si gros de conséquences démontrent qu'il ne s'agissait pas alors à proprement parler de révolution, ni de socialisme, ni de prolétariat. En octobre 1917 (novembre de -notre calendrier grégorien), il y eut en vérité un coup de force militaire accompli par un parti minoritaire qui se fait passer pour l'incarnation du prolétariat et le détenteur exclusif du socialisme ; la révolution ne fut accomplie que dans la suite, à coups de décrets promulgués d'en haut par le pouvoir qui, établi à main armée, n'a pu se maintenir que par la violence contre l'ensemble des populations rétives, mais impuissantes. Bien des anniversaires d'Octobre ont été commémorés depuis 1918 et il a fallu chaque fois constater que les principes avancés jusqu'alors par le parti conquérant étaient démentis par ses pratiques et que le régime instauré à la faveur des circonstances exceptionnelles d'Octobre prenait en tout point le contre-pied du programme affiché à la veille et au lendemain de la prise du pouvoir. Après la fin de la guerre civile russo-russe, après la mort de Lénine, après l'embaumement de son cadavre et de ses œuvres écrites ou parlées, après l'invention du culte de la personnalité du défunt, enfin avec l'affermissement du despotisme personnel de Staline, il devint évident que le reniement des idées inséparables du coup d'Octobre était irréversible. Dès le dixième anniversaire, dans un article intitulé Octobre noir, un cornBiblioteca Gino Bianco Souvarine muniste désabusé ayant encore certaines illusions et qui répugnait à perdre tout espoir en l'avenir écrivait néanmoins :. « Le Parti forme une nouvelle classe privilégiée tout en comprenant plusieurs classes au second degré », etc. (Bulletin communiste, n°8 22-23, Paris, oct.-nov. 1927). Nouvelle classe déjà très distincte, avec ses caractéristiques et ses différenciations internes esquissées dans l'article en question, donc déjà l'antithèse du socialisme. Trente ans plus tard, l'existence de cette nouvelle classe apparut comme une grande découverte. A l'occasion du cinquantième anniversaire, un bilan du demi-siècle ne ferait que confirmer, en la soulignant plus fortement que jamais, la faillite frauduleuse d_ela prétendue révolution socialiste et prolétarienne d'Octobre. Et ce ne serait que répéter, plus ou moins résumé ou amplifié, ce qu'expose, explique et prouve la critique bien motivée du régime soviétique depuis que cette critique existe. Mais il suffit de s'en tenir en connaissance de cause à la mutation brusque du 24 octobre (7 novembre) pour que les raisons de la faillite ultérieure apparaissent en pleine lumière. Est-il vrai que le prolétariat (ou « les ouvriers », ou « les masses », comme disent les communistes) ait pris le pouvoir en Octobre ? Dans son Journal d'exil, Trotski, dont l'opinion a du poids en la matière, a écrit ce qui suit : « Si je n'avais pas été présent à Pétersbourg en 1917, la révolution d'Octobre aurait eu lieu quand même - à condition que Lénine fût là e~ dirigeât. Sans Lénine et sans moi, il n'y aurait pas eu de révolution d'Octobre : la di- ~ecti?n du parti bolchévik l'aurait empêchée, Je n en doute pas un instant. Sans Lénine à
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