Le Contrat Social - anno XI - n. 5 - set.-ott. 1967

L /Expérience communiste DU MOUJIK AU KOLKHOZIEN 1917-1967 par Basile Kerblay L E PAYSANRUSSEest une abstraction. La réalité nous propose. des types très variés : celui de la forêt, autrefois plus artisan que paysan, dont les izbas se dispersent en petits hameaux le long des lacs ou dans les clairières ; le laboureur des terres noires dont les khatas blanchies se groupent en villages denses ; ou encore le jeune colon des Terres vierges logé à crédit dans sa maisonnette préfabriquée, plus ouvrière que kolkhozienne. Mais comment les approcher lorsque l'étranger n'est libre de choisir ni son itinéraire ni ses interlocuteurs ? Il reste la masse assez terne des déclarations et statistiques officielles, fort heureusement aussi des essais littéraires de qualité ( otcherki), le courrier de la presse consacré à la vie des campagnes, quelques enquêtes sociologiques qui permettent de tenter un portrait - partiel sans doute - de ce personnage mal connu, parce que généralement silencieux, attachant, parce que son labeur et son héroïsme tissent la trame de l'histoire de ce pays. Aujourd'hui ' 1. LE DVOR. - Au petit jour la fumée audessus du toit, recouvert de tôle dès que le maître du logis en eut la possibilité, indique qu'on vient de ranimer le poêle. Hier, le paysan hésitait à remplacer le chaume si vulnérable à la première étincelle. « Ils vont me traiter de barine et me refuser l'entraide dans les années de famine ... ; ils vont me prendre pour un koulak et occuper ma maison ! » L'izba s'est faite humble pendant les temps difficiles. Maintenant, elle s'assainit, débarrassée de ses parasites et du petit bétail. Un soubassement de Biblioteca Gino Bianco brique isole du sol la carcasse de bois (50 % des habitations sont entièrement en bois) 1 • Les fenêtres sont plus larges. Quelquefois, une véranda sur le côté, destinée à plaire au citadin ·qui la louera pendant l'été, lui donne les apparences d'une datcha. Une famille sur trois a reconstruit sa maison depuis 1945 \ Verrouillé derrière sa palissade, le dvor s'est rétréci. L'écurie est vide. Le grenier à foin, le hangar n'engrangent plus la récolte des 4 hectares dont disposait en moyenne chaque famille en 1917 3 : le potager-verger ne dépasse pas 0,30 hectare en R.S.F.S.R. Mais ce petit lopin constamment retourné, arrosé, fumé -- la vache est encore là ( 37 % des familles kolkhoziennes ne possédaient pas de vache en 1960, contre 22 % en 1917), - les soins du ménage et du cheptel occupent davantage la maîtresse de maison que le travail au kolkhoze •. Aujourd'hui comme hier, parce que les hommes sont partis, une longue journée commence pour la paysann~ (pour deux femmes dans les âges ·au-dessus de 35 ans, un seul homme reste). Le village se réveille dans le tintement des seaux d'eau tirés à la pompe ou au puits. La· cuisson du pain s'effectue encore à la maison 1. A. Zal'chan (éd.) : Jilichtchnoié stroltel'stvo v SSSR, Moscou 196~, p. 197. 2. Vestnik Statistiki (n° 8, 1966, p. 42) indique le nombre de maisons rurales construites depuis 1945. 3. A. Anfimov : Rossiiskaia derevnia v gody pervol mirovoi voiny, Moscou 1962. 4. Respectivement 6,5 heures en été et 4,5-6 heures en hiver (Ossipov : Sociologiya v SSSR ; Karnaoukhova : Pouti povycheniya proizvoditel'nosti Trouda v sel'skom khoziaistve SSSR, Moscou 1964, pp. 78-79),

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