294 long et haineux réquisitoire contre Tasca qui aurait, en prenant copie de documents confidentiels, violé une « règle morale » propre aux militants communistes, pour l'accuser finalement d'avoir trahi le mouvement ouvrier par sa collaboration en France, sous l'occupation allemande, avec le gouvernement de Vichy. Berti n'est d'ailleurs pas épargné : sa présentation des textes serait « non objective », « réticente » et « unilatérale » ; son passé « bordiguiste » est évoqué en détail et, bien entendu, dénoncé comme la cause d'une vision déformée des faits. Il a fallu deux mois pour que Rinascita (5 mai) consentît à publier une mise au point de Berti. Encore sa lettre est-elle amputée de toute une première partie dans laquelle étaient réaffirmés les devoirs et les droits de l'historien à l'9bjectivité. Le reste est un exposé en huit points dans lequel, très posément et dignement, l'auteur souligne que : 1. Il n'y a eu aucun « choix » de docu- . ' , . . . ~ ments, contrairement a ce qu avait 1ns1nue Amendola; tout ce qui, sur les questions examinées, :figurait dans les dossiers a été publié ; 2. La partie concernant le travail clandestin du P.C.I. ne relevait pas de sa compétence; 3. Il est heureux que des militants révolutionnaires aient conservé des archives ; sans compter .Marx et Engels, les « révolutionnaires-archivistes » qu' Amendola veut mettre au pilori se chiffrent par dizaines et c'est grâce à eux que l'on a pu tirer au clair bien des points d'histoire ; 4. Le « cas » personnel de Berti, comme cela est expliqué, preuves à l'appui, est tout à l'honneur de l'intéressé; 5, 6, 7. De même pour différentes questions touchant à la vie intérieure du P .C.I. dont l'analyse d'Amendola présente une interprétation déformée ; 8. Sur l'attitude de Tasca . pendant l'occupation de la Françe, les documents examinés ne vont pas au-delà de l'année 1942 et ne permettent aucune appréciation ; néanmoins le « cas » Tasca a été jugé par un tribunal français, lequel a condamné l'Humanité qui avait accusé Tasca et qui, par la suite. s'est rétractée. « J'ai assisté à trop de procès atroces, écrit Berti, croyant en toute bonne foi à des accusations effrayantes ( ...), pour n'avoir pas appris que dans des circonstances semblables mieux vaut pécher par défaut que paf excès de zèle. » Amendola, invité à répliquer par la direction du journal, reconnaît non sans lassitude qu' « une queue polémique dans laquelle on finit par se répéter » ·n'a pas beaucoup de BibliotecaGino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES sens. Mais telle est la logique du Parti : toute recherche s~sceptible de porter atteinte aux mythes établis est un délit et doit être dénoncée comme tel. Nous sommes évidemment loin de la légende, complaisamment répandue jusque dans des milieux qui se croient avertis, et selon laquelle le P.C. italien se distinguerait par son .libéralisme e_t son indépendance. Un certain relâchement est· certes· sensible sur des questions marginales, culturelles par exemple ; c'est là en quelque sorte la contrepartie de l'influence qu'exerce le P.C.I. dans les milieux intellectuels et dont ·on fait grand cas. Mais cela exclut absolument toute question de fond 9 • Dans le domaine culturel, la « libéralisation » suit un cours apparemment incohérent, avec des accès de hardiesse et de brusques retours, sorte de stop and go consistant à lâcher du lest dans certaines circonstances " ou quand on ne peut faire autrement,_ pour reprendre les choses en main à la première occasion. Mais l'histoire du Parti reste un · sujet « tabou ». Certains travaux sur la pensée de Gramsci ne doivent pas faire illusion : il s'agit dans ce cas de doctrine et l'initiative en revient à des chercheurs étrangers au Parti. Chaque .fois qu'il a été question de faits mettant en cause l'histoire proprement dite, n'ont jamais été admises que les interprétations que le Parti pouvait imposer. Dans son corn.mentaire des documents cités, Berti relève plusieurs inexactitudes et omissions dans le livre de Togliatti sur « la formation du groupe dirigeant ». Certaines sont sans doute vénielles, mais on sent bien que d'autres sont voulues, même si cela n'est pas précisé par Berti. Que ce dernier ait assumé la responsabilité de mettre '-en ordre et de commenter en toute indépendance une telle masse de documents essentiels pour la connaissance du P .C.I. est en soi un fait nouveau, impardonnable pour un militant communiste, et qui expligue la hargne avec laquelle son travail a été accueilli par les siens. C'est d'ailleurs pour les mêmes raisons que, en dépit de son point de vue resté malgré tout quelque peu entaché. d'esprit partisan, et malgré de regrettables lacunes (un index thématique, à défaut d'index des noms - évidemment un très gros travail - aurait notamment été bien utile) 1 on ne peut que saluer le courageux effort du glossateur et approuver l'éditeur. PIERRE BoNUzz1. 8. Notamment en politique étrangère : Budapest, crise de Cuba, tentatives de subversion en Afrique et en Amérique latine, conflit sino-soviétique, Vietnam, crise du Proche-Orient, sur tout cela les communistes italiens ont épousé invariablement les thèses sovié~iques.
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