292 Après les revers du mouvement spartakiste, de la révolution en Hongrie et en Bavière et, surtout, de l'Armée rouge devant Varsovie, le IIIe Congrès de l'I.C. (juin-juillet 1921) avait renversé la vapeur, renonçant à la « tactique offensive », préconisant la conquête de la majorité du prolétariat et de ses alliés pay- -sans et petits-bourgeois des villes et des campagnes. Cela signifiait que l'on souhaitait un rapprochement avec la social-démocratie, pouvant aller jusqu'à l'alliance électorale, comme cela se vérifia deux ans plus tard en Allemagne avec la création de gouvernements de coalition en Thuringe et en Saxe. Mais à l'époque, en Italie, à six mois de la scission, les suggestions de l'I.C. étaient singulièrement peu réalistes. Dominée par l'extrémisme de Bordiga, la direction du P .C.I. (il en était de même en Allemagne et en France) s'opposait _farouchement à toq.t rapprochement avec les socialistes. Ce rapprochement était préconisé par la minorité de « droite » (Tasca-Graziadei) qui visait à détacher du P.S.I. la tendance encore majoritaire représentée par Serrati. L'I.C. songea donc à utiliser les minoritaires contre l'intransigeant Bordiga avec qui les rapports s'étaient rapidement détériorés. Cependant, au IVe Congrès de l'I.C. (novembre 1922), où les directives de l'année précédente avaient été précisées jusqu'à envisager la révision des statuts de l'organisation, Zinoviev, en l'absence de Lénine déjà malade, avait présenté une interprétation toute particulière du « front unique », arme à double tranchant destinée à · frapper autant le prétendu allié social-démocrate que la bourgeoisie. C'était d'ailleurs, avant la lettre, la tactique qu'appliquait le P.C.I. Mais pour l'heure, en attendant que la nouvelle orientation fût confirmée par le ve Congrès, la doctrine officielle restait définie par le IIIe Congrès. Ecrivant au ,même Zinoviev, en avril 1923, Humbert-Droz, qui venait d'assister au XIXe Congrès du P.S.I., celui-ci ayant rompu avec les réformistes, dénonçait le P.C.I. : « La discipline formelle du Parti à. l'égard des décisions de l'Internationale est en réalité un sabotage de ces décisions ( ...). La direction s'efforce d'éliminer l'opposition qui est d'accord avec nous. » Gramsci lui-même en était venu à considérer que la tendance Tasca entendait « liquider le communisme en Italie pour ramener notre jeune mouvement dans l'ornière traditionnelle ». Mais il estimait également que, compte tenu du conflit qui opposait ouvertement Bordiga à l'I.C., il fallait se séparer d'abord du Biblioteca Gino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES leader extrémiste pour tenter le rapprochement avec le parti « maximaliste ». Il était déjà trop tard, puisque le xxe Congrès du P.S.I., sur l'initiative d'un « Comité de défense socialiste » (Nenni-Vella), avait entretemps rejeté la fusion. Et c'est ce qui avait incité l'I.C. à intervenir pour nommer d'auto-- rité, à la. tête du P.C.I., un nouveau Comité exécutif d'où Bordiga, d'ailleurs incarcéré à l'époque, était exciu, et qui comprenait, avec des majoritaires tels que Togliatti, des représentants de « droite » comme Tasca. C'était donc là une flagrante intervention de Moscou dans les affaires du P .C.I., facilitée par le fait que la plupart des militants en vue avaient été arrêtés ou s'étaient réfugiés à l'étranger (entre autres Gramsci). Cette intervention ne sera pas la seule, et l'ingérence, en fonction des conflits qui déchiraient déjà le P.C. de 1l'U.R.S.S. et qui se répercutaient dans l'I.C., deviendra paralysante pour tous les partis affiliés. Il n'est pas possible ici de suivre le déroulement extrêmement rapide des événements qui marquent cette première période. Tout au plus peut-on résumer av-ecBerti ce que fut l'attitude des principaux personnages qui décidèrent pratiquement de l'orientation du Parti. Gramsci, d'abord, parti d'une conception négatrice et nihiliste par rapport au passé socialiste, mais profondément dém.ocratique et qui s'exprimait à travers la doctrine des conseils ouvriers, fut entraîné, dans l'atmosphère surchauffée des années 1920-23, sur les positions extrémistes de Bordiga; il devait progressivement revenir, à partir de 1923, à ses idées premières, s'efforçant de les adapter à la ligne de l'I.C. Sa"-fameuse lettre mettant en garde Moscou contre les tendances autoritaires du P.C. de !'U.R.S.S., dont Berti donne le texte intégral amplement commenté, en témoigne et montre en même temps que le . doute. ·se glissait dans son esprit. Son évolution était d'ailleurs presque achevée lorsqu'il fut arrêté à la fin de 1926. Bordiga, mis en minorité au congrès que le P.C.I., pratiquement hors la loi, tint à Lyon en janvier 1926, refusa de se plier à la discipline intérieure, abandonna bientôt toute activité militante et finit par être expulsé du Parti quatre ans plus tard. Après avoir miraculeusement échappé à la police, ,Togliatti, secrétaire intérimaire depuis la destitution de Bordiga par l'I.C., fut confu-, mé à son poste lors de l'arrestation de Gramsci. Il ne devait pratiquement plus le quitter jusqu'à sa mort en 1964. Tasca, enfin, soutenu par Moscou, mais violemment combattu par "
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