W. WEIDLÉ ou « modern style » ou « art nouveau » apparut partout, aux environs de 1905, comme une mode dépassée (qui, cinquante ans plus tard, devait redevenir à la mode sous forme, cette fois, d'engouement rétrospectif). Il n'avait donné naissance, en tout cas, à aucun style authentique, solidement enraciné dans l'architecture. Celle-ci fut tentée de revenir au néo-Empire, mais elle fut rapidement dépassée par le fonctionnalisme technocratique qui la détacha de la peinture et de la sculpture. Ces deux dernières commençaient à s'orienter, à travers le cubisme ou à côté de lui, vers le refus de la figuration. Le Monde de l'art, de ce fait, commença à perdre son influence, d'abord à Moscou, où elle avait toujours été plus faible, puis à Pétersbourg. On reprochait à ses maîtres une trop grande connaissance et une admiration excessive du passé (on avait déjà abordé ce sujet dans le premier numéro de la Toison d'or), ainsi que de se cantonner dans la décoration et l'illustration, de substituer le dessin à la peinture, de choisir des thèmes que l'on jugeait trop « littéraires ». Ces plaintes, en partie justifiées, se multiplièrent et les changements qu'elles laissaient prévoir se firent sentir clairement vers 1910, lors de la première exposition du groupe « le Valet de carreau » et lorsque Kandinski peignit à Munich son premier tableau abstrait. Ces changements provenaient évidemment de contacts de plus en plus, étroits avec l'art occidental. . Ils orientèrent les esprits vers Paris, vers tous les « derniers mots » prononcés à Paris, d'au- . tant plus qu'on pouvait maintenant les entendre à domicile, grâce à la passion de collectionneur des marchands moscovites Chtchoukine et Morozov, grâce aussi aux expositions de peinture française en 1908 et 1909 à Moscou, en 1912 à Pétersbourg. Mais la poussée brutale de gens plus ou moins incultes que le « dernier mot » avait libéré des traditions et des autorités joua aussi son rôle, leur permettant de se frayer un chemin avec bien peu de talent, voire avec la seule assurance qui en tient lieu en pareilles occasions. Somme toute, malgré certains excès un peu simplistes, l'art en Russie, loin de dépérir, s'enrichissait, prenait un essor nouveau. On ne se souvenait même plus de son état récent, pitoyable. Ce fut ainsi qu'il affronta l'année 1914, puis l'année 1917. Le• cinq premières années UNE DES PRINCIPALES CONSÉQUENCES de la dissolution de l'Assemblée constituante et de Biblioteca Gino Bianco 279 la prise du pouvoir par Lénine fut le départ d'une grande partie de l'intelligentsia ( cette fois, dans le sens le plus large du mot). Un grand nombre d'écrivains, un nombre encore plus grand de peintres quittèrent la Russie ; il était plus facile à ces derniers, ainsi qu'aux musiciens, de prendre cette décision : leurs œuvres n'avaient pas besoin de traducteurs. Plus tard, certains de ceux qui étaient restés s'expatrièrent, certains de ceux qui étaient partis revinrent; mais, les premiers temps, parmi ceux qui étaient restés (et qui n'avaient pas l'intention de partir) se trouvaient surtout ou bien ceux qui refusaient toute innovation et tournaient le dos à l'Occident, ou bien, au contraire, les novateurs et les révoltés les plus hardis. Les premiers durent s'armer de patience - pour peu de temps, à vrai dire; les seconds connurent un triomphe éclatant mais bref. Les premiers avaient vu juste; les seconds s'étaient trompés. C'était une métaphore qui les avait induits en erreur. Ils s'étaient figuré que « révolution » et « révolution dans l'art » étaient une seule et même chose. Ils en furent punis rapidement. C'est la révolution qui s'en chargea. Au début, bien entendu, ils s'étaient jetés dans ses bras avec un tel enthousiasme qu'elle ne put faire autrement que de les amadouer. Mais tout de suite on observa chez les nouveaux n1aîtres du pays, qui avaient fait cette révolution et qui l'incarnaient, une certaine incertitude au sujet du genre d'art qu'on devait souhaiter et de ce qu'il fallait attendre de lui. A la tête du commissariat correspondant, on plaça, il est vrai, le camarade Lounatcharski, littérateur à ses heures, qui avait vécu à l'étranger et qui était considéré dans son parti comme un flambeau de la culture. Il avait entendu parler des différents « ismes » qui se multipliaient à l'époque, fréquentait Nathan Altman qui était attiré par le cubisme, savait le cas qu'on faisait de Kandinski en Allemagne; enfin, au Narkompros, il remit l'art entre les mains de son;· ami David Schterenberg, qui était encore mieux informé que lui (quant à la peinture du moins : il s'y était initié à l'étranger) et qu'il mit au début de l'année 1918 à la tête de l'IZO (Département des Arts figuratifs). Du point de vue des derniers « ismes », le nom de ce département pouvait sembler contre-révolutionnaire, car ces « ismes », précisément, avaient répudié toute figuration : mais si Schterenberg et son chef ne souhaitaient pas le moins du monde passer pour des retardataires, il n'entrait pas non plus dans leurs intentions d'écarter qui que ce fût, d'au-
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