RÉALITJjSAMÉRICAINES par Thoinas Molnar • L E VOYAGEUR qui arrive des Etats-Unis avec un souci d'objectivité ne peut s'empêcher de s'étonner, puis de s'alarmer devant l'incompréhension de tant d'Européens."-àl'égard de la politique étrangère de Washington. Pourtant une meilleure intelligence de celle-ci n'est pas un luxe dont on peut se passer, mais une nécessité vitale. Car s'il est, depuis 1945, un phénomène déterminant, c'est bien l'émergence des Etats-Unis comme puissance mondiale, ou plutôt comme seule puissance mondiale partout engagée, partout faisant sentir son poids. On ne veut 1c1 aucunement minimiser le rôle ni l'influence de la Russie soviétique, demain peut-être celle de la Chine, mais enfin, comme l'a reconnu récemment un article insolite du Monde, dans tous les domaines : économique, militaire, politique, Washington l'emporte d'une façon décisive non seulement sur Moscou, mais encore sur une quelconque combinaison de deux ou plusieurs grandes puissances. On n'avait pas connu pareil phénomène depuis l'apogée de l'Empire . romain. Il est donc indispensable, à la fois pour la stabilité du monde et , pour l'intelligence de notre époque, d'évaluer la puissance américaine avec autant de précision que po~sible. Cela est proprement une question de vie ou de mort pour l'ennemi_aussi bien que pour l'allié, sans parler de toute la gamme des nations qui se disent « non ·alignées ». Pourtant, même sur notre planète devenue plus petite, les nations ont tendance à n'étudier de près ·que leurs voisines et 'à limiter les prétentions de leur politique étrangère à veiller au comportement de celles-ci. En outre, toute nation incline à en juger une autre selon son propre point de Biblioteca Gino Bianc.o vue et sa mentalité, comme selon son intérêt. L'erreur fait ainsi partie intégrante de l'optique de chaque pays. Quelles sont les principales erreurs commi-. ses, dans les pays européens, au ~ujet des Etats-Unis ? Elles peuvent être classées en deux catégories : 1. les jugements faux sur la vie aux Etats-Unis en général, c'est-à-dire sur l'American way of life et sa signification ; 2. l'incompréhension du mécanisme qui projette l'ensemble des caractéristiques constituant l' American way of lif e sur le plan de la politique étrangère de Washington. Il est facile de tomber dans ces deux types d'erreurs, même pour le correspondant d'un journal parisien à New York ou à Washington, à plus forte raison quand on s'y trouve en qualité de diplomate. Dans le~ deux cas, on a affaire à des gens faisant partie, grosso modo, de l'intelligentsia qui parle le langage international, échange des idées toutes faites et des politesses. Il est incontestable que l'intelligentsia est, de tous les milieux, le plus influent ; · mais tbut d'abord il n'est nullement certain que les propos et les actes de ses membres aillent dans le même sens ; ensuite, on peut affirmer que le pouvoir combiné des· autres classes de la population l'emporte sur celui des intellectuels : pas forcément en ce que l'intel-· ligentsia a de plus vivace et de plus articulé, mais en matière de traditions, d'attitudes routinières, de bon sens et d'intµition profonde. , * * * Nous VIVONS à une époque de grande confusion politique. Cette confusion, produit d'idéologies en conflit, est. encore aggravée par la
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==