Le Contrat Social - anno XI - n. 4 - lug.-ago. 1967

B. SOUVARINE voie de transformation ne peut que choisir impitoyablement ce dont elle a besoin pour sa rénovation sociale, quitte à trouver à son choix une justification » ( Contrat social, n ° 6 de 1959 : « Le national-communisme arabe » ). Les vitupérations soviéto-arabes contre l'impérialisme et le colonialisme trouvent dans la presse vulgaire de « l'Occident pourri » de retentissants échos que de rares publications à faible tirage ne peuvent compenser. Les EtatsUnis, particulièrement visés par l'animadversion déchaînée des profiteurs ingrats de l'aide américaine, se laissent outrager et provoquer sans réagir. Des hordes de pauvres hères chauffés à blanc par les trublions du panarabisme et les agents du communisme lapident les ambassades, saccagent les consulats, pillent et incendient les bibliothèques où flottait le drapeau étoilé dans des pays comblés de dollars, nourris de blé d'Amérique. A Washington, cependant, les organes. qualifiés délibèrent sur le surcroît de secours alimentaire à leur octroyer. Or aucun impérialisme américain ne s'était jamais manifesté entre le Nil et !'Euphrate, régions qui n'ont subi pendant des siècles que la domination turque, donc musulmane. Les seuls Américains aperçus dans ces parages n'avaient été que des archéologues et des missionnaires. Mais « plus le mensonge est gros, plus il a chance de prendre ». Entre les deux guerres mondiales, la France et la Grande-Bretagne ont exercé sur des parties du Proche-Orient un « mandat » qui n'a duré qu'un quart de siècle. Parler d'impérialisme et de colonialisme à propos du mandat français sur la Syrie et le Liban n'est possible que par abus de langage. En revanche, le mandat britannique se rattachait à quelque impérialisme en déclin, à une survivance de la politique relative à la « route des Indes » dont il ne subsiste presque rien de nos jours, mais ce mandat s'est exercé touiours en faveur des Arabes, notamment des Hachémites, et même contre Israël. L'Angleterre ne cesse d'ailleurs pas de soutenir les exorbitantes prétentions panarabes. Quant aux exploitations pétrolières, elles résultent de concessions et d'accords bénéfiques d'abord pour les pays incapables de les concevoir et réaliser ; les profits qu'en tirent les compagnies qui ont prospecté, pris les risques, investi les capitaux et introduit la technique n'ont guère de rapports avec l'impérialisme et le colonialisme, si les mots ont un sens. « Si l'on veut parler d'impérialisme et de colonialisme, il faudrait d'abord ne pas oublier que, depuis ses débuts au vu' siècle jusqu'à Biblioteca Gino Bianco 199 ces derniers temps, l'Islam fut la plus vaste entreprise de domination et de colonisation que le monde ait connue », écrivait le R.P. Riquet, de la Société de Jésus, dans le Figaro du 30 août 1956, et ensuite : « Vingt ans après la mort de Mahomet, la chevauchée guerrière de ses premiers partisans avait déjà conquis par les armes, au-delà de l'Arabie, la Palestine, la Syrie, la Perse et l'Egypte. Bientôt, en 678, elle commencerait d'assiéger dans Constantinople les empereurs chrétiens. Puis galopant d'un bout à l'autre de l'Afrique alors chrétienne et depuis des siècles, asservissant les Coptes d'Egypte comme les Berbères de la Kabylie et de l'Atlas, submergeant la catholique Espagne, elle fonce jusqu'à Poitiers ... » Là elle se heurte au front de ceux que le chroniqueur appelle les Européens : « Mais il faudra près de sept siècles d'efforts et de combats pour libérer entièrement l'Espagne du colonialisme musulman et de l'impérialisme des khalifes. » Le R.P. Riquet poursuivait en décrivant les conquêtes 1nusulmanes en Orient jusqu'à Samarkand et à l'Indus, puis au cœur de l'Europe jusqu'au Danube après la chute de Constantinople. Certains détails sont contestables, mais passons, pour ne plus retenir que ce passage : « Or ce régime, colonialiste s'il en fut, a été prolongé par les puissances islamiques non seulement à travers le Moyen Age, mais jusqu'à l'écroulement, en 1918, de l'Empire ottoman ... » Les bravaches du panarabisme ne veulent pas de ces souvenirs, mais en tant qu'Egyptiens ce sont eux qui revendiquent des droits d'ancienneté immémoriaux, lesquels tendent à remonter au déluge. Parlons-en. On ne conteste pas que les pharaons de la XVIIIe dynastie et leurs successeurs aient envahi la Syrie et Canaan et la Mésopotamie jusqu'à !'Euphrate. Les Arabes n'ont absolument rien à y voir : ils n'existaient pas à haute époque. Mais auparavant les xve et XVIe dynasties pharaoniques avaient été celles de conquérants hébreux que Manéthon, cité par Flavius Josèphe, désigne sous le no1n d'llyksos. Cela eut lieu aux 17c et 16e siècles avant notre ère. Ne vaut-il pas mieux s'en tenir à l'histoire la plus contemporaine? Renan, répondant à David Strauss qui affirmait un droit germanique sur l'Alsace, lui opposait l'antériorité des Celtes, avant lesquels il y eut les Lapons, les hommes des cavernes et enfin les orangs-outangs : « Avec cette philosophie de l'histoire, il n'y aura de légitime dans le monde que le droit des orangs-outangs, injustement dépossédés par la perfidie des civilisés » (Nouvelle lettre à M. Strauss, 15 sep-

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