Le Contrat Social - anno XI - n. 4 - lug.-ago. 1967

238 En même temps, les inculpés ont été avertis des conséquences graves qui résulteraient, pour eux-mêmes et leurs familles, d'éventuelles rétractations. Nombre d'entre eux étaient conscients des erreurs graves qu'ils avaient commises dans leurs fonctions, ainsi que de leur impuissance, car ils avaient déjà été publiquement dénoncés comme malf aisants et criminels, tant sur le plan moral que sur le plan politique. Certains d'entre eux s'étaient également convaincus qu'ils bénéficieraient de l'indulgence du tribunal s'ils avouaient tout ce dont les services de sécurité les chargeaient. Ces facteurs se sont combinés de sorte que les inculpés ont succombé aux pressions exercées par les services d'investigation et qu'ils ont même appris par cœur la conclusion des procès-verbaux afin que leurs aveux parussent aussi authentiques que possible. C'est pourquoi également à aucun moment du procès ils ne firent le moindre effort pour attirer l'attention du public sur la manière dont ils avaient été traités. L'apparente authenticité des aveux était renforcée par les rapports partiaux des experts qui soulignaient des dommages imaginaires à l'économie nationale comme un effet des prétendues activités criminelles des accusés. L'intention était d'impressionner le grand public et de soulever son indignation envers des gens qui avaient saboté l'effort constructif des travailleurs. D'autres procès ont été ensuite préparés sur les mêmes bases, tels que celui de M. Svermova et de son prétendu groupe, celui de G. Husak et d'autres personnalités politiques slovaques, celui des économistes, celui du prétendu grand conseil trotskiste et celui d'un groupe de fonctionnaires des services de sécurité, procès qui était la suite directe du grand procès du prétendu cercle cor;tspirant contre l'Etat. Au cours de ces procès, tous secrets, les inculpés ont été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement, à l'exception d'un des principaux membres des services de sécurité, O. Zavodsky, qui a été condamné à mort 10 • * * * S UR LA BASE d'enquêtes complètes et objectives, le Comité central est parvenu aux conclusions suivantes, qu'il communique aujourd'hui à tous les organismes et échelons du parti communiste tchécoslovaque par · les moyens d'information intérieurs du Parti : Tout d'abord, il a été établi que le réseau de conspiration contre l'Etat dirigé par Rudolf Slansky n'a pas existé, qu'il s'agit d'une invention des services de sécurité, dont les conclusions ont été acceptées sans discrimination par le Bibl.iotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL ministère public et par les tribunaux. Il n'est pas vrai que les accusés aient comploté contre le Parti et l'Etat ni qu'ils aient, sous une forme quelconque, formé un groupe organisé dans un dessein hostile. De même, les procès de M. Svermova, G. Husak et autres, ainsi que toutes les autres affaires qui ont découlé de l'affaire du prétendu complot contre l'Etat, ont été montés de toutes pièces. Il a été établi que plusieurs des accusés avaient commis un certain nombre d'erreurs politiques, auxquelles un caractère contre-révolutionnaire a été attribué arbitrairement. Pour cette raison, les condamnàtions prononcées concernant les actes de trahison, espionnage, sabotage ou désertion étaient illégales et injustifiées et doivent être annulées 11 • 10. Cette version a été expurgée de nombreux détails horribles se rapportant aux méthodes policières d'interrogatoire décrites dans les deux documents plus étendus .. Entre-temps, les victimes qui avaient survécu à ces méthodes avaient conté leurs expériences sous forme de mémoires, de déclarations, voire de romans, et avaient déposé auprès de la Cour suprême à Prague. Seule une infime partie de ces terribles souvenirs personnels put franchir le barrage de la censure; le reste attend toujours une publication aléatoire. Toute cette littérature devait faire trembler. Celles des victimes des méthodes d'interrogatoire staliniennes qui passèrent aussi par les cellules nazies sont unanimes à affirmer que, dans l'ensemble, les Allemands étaient moins cruels et beaucoup moins inventifs. Gustav Husak, ancien membre du Comité central du P.C. de Tchécoslovaquie et membre du Politbureau du P.C. slovaque, accusé en 1950 du crime de « nationalisme bourgeois o, et dont la réhabilitation politique n'est pas encore complète, a exposé en détail (cent pages dactylographiées) quelques-unes des méthodes d'interrogatoire employées à son égard. Dans cet acte d'accusation dont la publication a été refusée, mais qui a circulé clandestinement dans les milieux du Parti, Husak décrivait les installations de la police de sécurité au château de Kolodeje, près de Prague, où tous les accusés les plus importants furent détenus des mois durant. Le prisonnier interrogé était laissé en sous-vêtements dans une pièce où régnait une température de moins 20 degrés centigrades. Au bout d'un moment, vêtu très chaudement, il était transféré à un étage supérieur, dans une autre pièce, pièce sans fenêtre et dont le plafond et les murs étaient tapissés du même papier : là, la température était de 40 degrés. En conséquence, les victimes perdaient bientôt tout sens de l'espace et elles éprouvaient l'illusion optique que les murs et le plafond se resser-. raient sur elles et menaçaient de les écraser. Les interrogateurs, qui entraient par une porte qu'on ne pouvait discerner de l'intérieur, ne portaient que des shorts et des chemises légères et se relayaient toutes les cinq ou dix minutes. Au bout de trois à quatre dizaines de ces séances, selon le • degré limite de résistance o de chaque patient, les prisonniers signaient une confession préparée à l'avance et prenaient sur eux tous les crimes les plus incroyables qu'ils étaient censés avoir commis. Husak lui-même, un peu plus résistant que les autres, refusa deux fois de signer. Finalement, brisé et malade, il céda. Certaines des victimes rapportent que la torture morale était peut-être pire que la torture physique. Il existait en principe deux moyens de persuasion employés par la police de sécurité. D'abord, on disait aux victimes que, s'ils avouaient, leur famille serait épargnée; autrement, personne ne pouvait garantir ce qui allait leur arriver. En réalité, le traitement le plus cruel était réservé dans tous les cas aux parents, femmes et enfants des accusés avant même le procès : ils étaient chassés de leur foyer et logés dans des masures ou des taudis abandonnés; les enfants n'avaient pas la permission d'aller à l'école, on refusait à beaucoup les soins médicaux et tous avaient la plus grande difficulté à s'assurer ne serait-ce qu'une maigre pitance. Le second moyen était réservé aux anciens hauts fonctionnaires du Parti : on leur donnait à entendre que tout le monde, y compris les dirigeants, savait pertinemment que les accusations étaient fabriquées. Cependant, au stade actuel de la lutte des classes exacerbée, le Parti avait besoin de l'aveu de ces crimes hideux commis « contre le socialisme•• et en avouant les avoir réellement commis, les accus·és rendraient un grand service au Parti; en retour, ils pouvaient espérer une sentence plus légère. Le document fait

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