DOCUMENTS Les fonctionnaires du Parti mis en état d'arrestation ont alors été contraints, au moyen de provocations et d'interrogatoires falsifiés, ainsi que sous l'effet de la force brutale, de rejeter la principale responsabilité des actes dont ils étaient accusés sur Rudolf Slansky. Des faits furent artificiellement isolés et des erreurs commises furent déformées afin de créer l'impression d'un vaste plan criminel. Un rapport mensonger fut adressé à ce sujet à Gottwald. Celui-ci, cependant, n'avait pas attaché de prime abord une grande importance à ces communications, et il s'était efforcé de porter un jugement sain sur la situation. Il pensait que les accusations ainsi formulées étaient dénuées de fondement. Cependant il savait que Slansky avait commis des erreurs graves dans son travail, et en particulier dans la répartition du personnel aux échelons supérieurs du Parti, et qu'il n'était pas possible qu'il restât secrétaire général. Lors d'une session du Comité central, en septembre 1951, Slansky fut donc, sur proposition de Gottwald, relevé de ses fonctions de secrétaire général et nommé chef adjoint du gouvernement. Cependant, au même moment, la direction du ministère de la Sécurité publique était parfaitement convaincue que les activités de Slansky avaient été menées à des fins hostiles, et qu'il était bien au centre du prétendu complot. En novembre 1951, les services de sécurité ont informé Gottwald que Slansky avait été invité à faire défection en Occident. L'enquête qui aurait permis d'apprendre s'il s'agissait ou non d'une provocation ne fut pas menée. Sur la base de ce renseignement, les dirigeants du ministère de la Sécurité proposèrent l'arrestation de Slansky. Staline avait fait la même suggestion à Gottwald, bien que peu de temps auparavant il eût exprimé devant celui-ci l'opinion que les accusations portées contre Slansky n'étaient pas dignes de foi. Rudolf Slansky fut arrêté le 24 novembre 1951, bien qu'aucune preuve sérieuse n'existât de son intention de quitter le pays, ou de préparatifs d'un complot fomenté pour le compte des impérialistes occidentaux. Simultanément, furent arrêtés B. Geminder, puis un certain nombre d'autres personnalités du Parti et de l'Etat, telles que J. Frank, L. Frejka, J. Goldmann, R. Margolius, A. Simone et, parmi d'autres, Jarmila Tausigova, victime des méthodes qu'elle avait elle-même employées. Avec l'arrestation de Slansky les investigations menées sur les personnalités déjà détenues sont entrées dans une phase décisive. Sur la base des théories préfabriquées concerBiblioteca Gino Bianco 237 nant l'existence d'un prétendu complot contre l'Etat, chacun des participants à ce complot a été nommément désigné. Il est caractéristique que la composition de ce prétendu réseau de conspirateurs n'a pas été établie sur la base d'informations disponibles concernant l'activité de groupes hostiles, informations qui faisaient totalement défaut, mais bien en vue de faire comparaître devant les tribunaux certaines personnalités de premier plan appartenant à la direction du Parti et à l'administration de l'Etat. Les services d'investigation se sont efîorcés par tous les moyens de contraindre les personnalités en question à s'accuser les unes les autres et à jouer les rôles qui leur étaient attribués. Cependant on ne disposait d'aucune preuve concernant leurs activités criminelles. Au cours de longs interrogatoires, les personnes arrêtées en sont venues progressivement à admettre, sous l'influence de traitements illégaux, les diverses accusations fictives élevées contre elles. Résignés à leur. sort, les accusés ont été, conformément aux procèsverbaux truqués des services d'investigation, traduits en jugement en novembre 1952 dans l'affaire du prétendu complot. R. Slansky, B. Geminder, L. Frejka, J. Frank, V. Clementis, B. Reicin, K. Svab, R. Margolius, O. Fischl, O. Sling et A. Simone ont été condamnés à la peine de mort pour trahison, espionnage, sabotage et désertion militaire, et exécutés le 3 décembre 1952; les trois autres : E. Lôbl, A. London et V. Hadju, à la peine d'emprisonnement à vie. Le procès tout entier donna l'impression que les accusés étaient d'authentiques criminels et qu'ils étaient si compromis qu'ils n'avaient d'autre ressource que d'avouer. La spontanéité de leurs aveux cachait ce qu'il y avait derrière tout cela et les raisons véritables de leur comportement résigné. Comme une nouvelle enquête l'a confirmé, ce procès avait été précédé par une préparation soignée des accusés, y compris toutes sortes de pressions tendant à les convaincre qu'ils ne pouvaient échapper à leur sort. A cette fin, tous les moyens d'intimidation physiques, moraux et politiques ont été utilisés pour susciter chez les détenus un état d'apathie et de résignation. Les arguments utilisés à leur endroit consistaient notamment dans l'affirmation que le Parti était pleinement informé de leurs actes et exigeait qu'ils le reconnussent pleinement, ce qui serait d'ailleurs conforme à leur propre intérêt. En réalité, ces crimes imaginaires avaient été fabriqués par les principaux responsables du ministère de la Sécurité publique et par les fonctionnaires des services d'investigation.
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