234 Après février 1948, un nouvel appareil de sécurité politique a été créé. Il devait jouer un rôle important dans la défense des conquêtes révolutionnaires de la classe ouvrière. Cet appareil, dans l'ensemble, a mené un combat victorieux contre l'assaut des ennemis du dedans et du dehors. La majorité des membres des services de sécurité se sont révélés zélés et courageux et nombre d'entre eux ont même donné leur vie pour notre cause. Mais la lutte correcte des services de sécurité contre les éléments hostiles a été affaiblie par le mouvement qui, à la même époque, a conduit à rechercher de prétendus ennemis au sein du Parti, ce qui était en contradiction flagrante avec la conception léniniste suivant laquelle le parti marxiste-léniniste doit s'efforcer d'être idéologiquement pur et prêt à l'action révolutionnaire. Cette évolution vers la recherche arbitraire de prétendus ennemis dans les rangs mêmes du parti communiste tchécoslovaque a commencé de prendre de l'ampleur en liaison avec l'arrestation, l'inculpation et le procès de Laszlo Rajk en Hongrie, en 1949. A cette époque, Gottwald était l'objet des pressions toujours plus vives de Matyas Rakosi, lequel s'employait par tous les moyens à obtenir son accord pour l'arrestation de quelques dizaines de responsables du Parti, choisis surtout parmi ceux qui s'étaient réfugiés en Angleterre durant la guerre ou avaient appartenu aux brigades internationales en Espagne. Rakosi alla même jusqu'à fournir une liste de noms, sous prétexte que les personnes en question avaient travaillé avec Rajk et ses camarades pour le compte des réseaux d'espionnage impérialistes. Les enquêtes menées en Hongrie après le XXe Congrès du P.C. de l'Union soviétique révélèrent que l'affaire Rajk avait été artificiellement montée sur la base de diverses provocations et que les accusés avaient été contraints, sous l'effet de terribles violences physiques, de confesser les crimes les plus abominables contre l'Etat, crimes qu'ils n'avaient aucunement commis. Tous les condamnés ont déjà été réhabilités et ceux qui avaient monté le procès Rajk ont été obligés de rendre des cornptes. Klement Gottwald avait estimé tout d'abord que les soixante et quelques fonctionnaires dont Rakosi recommandait l'arrestation ne pouvaient pas tous être considérés sans discrimination comme des espions. Il exprima l'opinion que la situation en Tchécoslovaquie était différente, étant donné que le Parti avait toujours travaillé ouvertement et légalement : il y avait ainsi moins de chances que des éléments étrangers aient pu s'infiltrer dans ses rangs 6 • Afin que les accusations ainsi formulées fussent vérifiées~ une prétendue commission Bibl.iotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL mixte fut constituée au milieu de l'année 1949 sous la direction de Ladislav Kopriva, membre du présidium du Comité central du parti communiste tchécoslovaque. Les services de sécurité ont, eux aussi, participé à ses activités, ce qui fut une grave erreur. La commission n'a pas travaillé objectivement; elle a au contraire mené ses enquêtes selon des procédés fondamentalement ét.rangers au Parti et en ayant recours à des méthodes policières inadmissibles. Klement Gottwald a reçu des rapports mensongers sur les activités de la commission, cette dernière essayant de lui donner l'impression qu'il s'agissait d'éléments franchement hostiles 7 • Dès le milieu de 1949 déjà, sur l'exigence formulée par Rakosi, G. Pavlik, ancien directeur de la Cedok, avait été arrêté en compagnie de sa femme et de quelques autres personnes comme suspect d'avoir collaboré avec les frères Field. Ces derniers étaient des citoyens américains d'esprit progressiste qui avaient été faussement accusés d'avoir établi dans les pays socialistes un réseau d'espionnage pour le compte de services occidentaux. A l'automne de 1949, sur la suggestion de ladite commission mixte, E. Lôbl, ministre adjoint du Commerce " extérieur, et V. Novy, rédacteur en chef de Rude Pravo, ont été l'un et l'autre arrêtés. Toutefois, ni les enquêtes menées par le Parti ni les interrogatoires répétés des services de sécurité comportant le recours à la violence n'ont permis d'établir que les personnes arrêtées ou inculpées auraient eu des intentions hostiles ou qu'elles se seraient livrées à des 6. La liste des suspects fut donnée par Rakosi à V. Siroky, ancien membre du Politbureau et premier ministre. lequel la transmit à Klement Gottwald, alors président du Parti et président de la République. D'une manière significative, le document omet le fait, mentionné dans deux autres versions plus étoffées, de la participation d'experts de la Sécurité soviétique à l'organisation des procès hongrois et à la préparation du terrain pour les purges tchèques. En conséquence, le document ne donne aucune explication de l'intérêt vif et persistant montré par Rakosi pour les • titistes • et • agents impérialistes • tchécoslovaques. En fait, des spécialistes de la Sécurité tchèque furent dépêchés à Budapest pour participer à la préparation du procès Rajk afin d'appliquer ces méthodes plus tard à Prague (d'après les termes du document, ils • profitèrent de l'expérience de la clique à Béria •). Bien qu'il soit suggéré que les dirigeants du P.C. tchécoslovaque aient accepté sans retard ni hésitation la décision prise plus tard à Budapest de réhabiliter Rajk et les autres victimes des épurations, les faits sont différents. Un historien tchèque a rappelé qu'après 1956 encore il fut empêché par de hautes autorités du Parti de publier un article d'après lequel il ressortait que l'exécution de Rajk équivalait à un assassinat judiciaire et que sa pleine réhabilitation civique et politique était un acte de justice (cf. Cs. Casopis historicky, Prague, n° 2, avril 1964). 7. Là encore le document ne révèle pas les noms des membres de la commission mixte Kopriva. Il nomme des fonctionnairea du Parti coupables chaque fois que ces derniers sont morts ou qu'ils ont été privés, totalement ou partiellement, de leurs fonctions dans le Parti ou au gouvernement. Les autres, coupables des mêmes fautes mais encore au pouvoir, sont représentés par des expressions telles que • et autres•· Alors que la formation d'une • unité spéciale• à l'intérieur du ministère de la Sécurité d'Etat, nouvellement créé à l'époque, est considérée aujourd'hui comme une • grave erreur •, dans les années 50 cette branche terroriste du ministère (créée justement parce que les méthodes d'interrogatoire soviétiques s'étaient révélées si efficaces) avait été portée aux nues.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==