Le Contrat Social - anno XI - n. 4 - lug.-ago. 1967

Débats et recherches TOTALITARISME ET RELIGION par Yves Lévy LORSQU'ONEST PLACÉ au milieu du (( xxe siècle, l'histoire des cent cinquante dernières années semble préparer systématiquement l'antagonisme où se résume la crise mondiale d'aujourd'hui, et qui dresse l'une contre l'autre la démocratie empirique et libérale et la démocratie messianique et totalitaire. » Ainsi s'ex- ~rime J. L. Talmon à la première page de son hvre sur les origines de la démocratie totalitaire 1, et il n'est pas inutile de préciser que cela fut écrit exactement au milieu du siècle (la première édition anglaise est de 1952), lorsque dans un monde manichéen, Staline régnant encore sur la Russie et sur maintes nations asservies, un conflit apocalyptique semblait sur le point ~e se déchaîner. En ce temps-là, l'auteur pouva!t penser que la ligne de démarcation qui coupait le monde en deux était « le résultat du processus d'élimination, de réduction et d~ purification » par où sont passés les deux aspects de la démocratie. Mais qu'eût-il dit dix ans plus tôt, et que dirait-il aujourd'hui ? L'image n'est plus aussi nette, les lignes recommencent à se brouiller. L'histoire semble avoir cessé d'être le lieu où s'élaborent des corps chimiquement purs, la mêlée redevient confuse, de chaque côté de la ligne de démarcation s'esquissent ou se précisent des divergences, et la ligne de démarcation elle-même ne peut plus être tracée d'une main sûre. Ceci dit, on accor1. J. L. Talmon : Lu Origine& de la démocratie totalitaire, Paris 1966, CaJmann-Lévy, 412 pp. Nos citations 1ont retraduites d'après le texte de la seconde édition anglaise. L'éditeur français indique : • traduit de l'anglais • malt n~glige de préciser en quelle langue. Il a abrégé 1~ table dei matières et 1upprimé l'index. Si un livre ne vaut pat la peine d'être traduit, Il ne faut pas le traduire. S'il mérite de l'être, Il faut offrir au lecteur français une vertlon llslble, et accompagnée des tables et index qui rendront rouvraie ai16 à manier. Biblioteca Gino Bianco dera volontiers à l'auteur qu'il existe un esprit libéral et un esprit totalitaire. Reste à examiner comment il en établit la généalogie. Son ouvrage doit comprendre trois volumes. Celui dont on parle ici traite du XVIIIesiècle français, et comprend trois parties : la première sur les philosophes de l'Ancien Régime, la seconde sur le jacobinisme, la dernière sur la conspiration de Babeuf. Un second volume:! ' qui n'a pas été traduit, passe en revue les doctrines de la première moitié du XIXesiècle. Il concerne essentiellement la France, mais aussi quelques Allemands - notamment Fichte et Marx - ainsi que Mickiewicz et Mazzini. Un dernier volume doit traiter de l'évolution du messianisme politique dans l'Europe orientale du xxr: siècle. * * * L'idée générale de l'auteur n'est pas aussi aisée à définir qu'il peut sembler d'abord. En fai_t, .on disce,rne chez lui deux inspirations pr1nc1pales. Lune est avouée et proclamée ; l'autre, plus discrète, s'entrelace avec la première d'une façon qui ne laisse pas de répandre quelque confusion. La vraie pensée de Tocqueville LA PREMIÈREINSPIRATIONc, 'est celle de Tocqueville. Le premier volume s'ouvre sur l'épigraphe suivante, tirée de la seconde partie de La Démocratie en Amérique ( 1840) : « Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les 2. Polilical Meulanlam. The Romanlic Phaae Londres 1960. Secker et Warburg. '

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