Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

. L'OBSERVATOIRE des deux Mondes Les deux guerres du Vietnam L'INTERMINABLEGUERRE du Vietnam se poursuit sur deux plans distincts, parfois parallèles, mais souvent confondus, et toujours inséparables. Ce sont deux guerres dont l'une, militaire, se livre sur le terrain, tandis que l'autre, politique, bat son plein à travers le monde. Traiter des opérations militaires proprement dites n'est pas de notre compétence. Les péripéties politiques sont du ressort de tous ceux qui ont à cœur le destin des peuples et l'avenir de la civilisation occidentale. Dans l'ordre militaire, cependant, il se passe des choses intelligibles au profane. Sans s'immiscer le moins du monde dans les conceptions stratégiques ni dans leur application tactique ou pratique, sans avoir à blâmer ou approuver telle action offensive ou telle initiative de bombardement, on peut se demander si l'on rêve ou si l'on est éveillé quand des informations officielles venues d'Amérique imposent au quidam le plus bienveillant des perplexités déroutantes. Il ne s'agit alors ni de stratégie ni de politique, mais apparemment de simple bon sens. Comment comprendre que les dirigeants d'un pays en guerre, civils ou militaires, fassent connaître à l'ennemi leurs intentions, dévoilent leurs plans, révèlent leurs moyens, annoncent les mouvements de leurs forces, étalent sur la place publique leurs désaccords, leurs hésitations, leurs hypothèses et leurs faiblesses? Les Américains trouvent cela tout naturel, mais partout ailleurs et notamment dans le camp adverse, on se persuade à tort ou à raison que des hommes incapables de garder un secret et d'agir par· surprise ne sauraient gagner une guerre, quelle que soit leur supériorité morale et matérielle. Or les spéculations sur l'issue probable de la guerre pèsent beaucoup sur l'orientation de l'opinion publique : rares sont les gens qui prennent parti dans un tel conflit sans se soucier du résultat éventuel. Et les esprits forts qui, à Washington, professent de mépriser l'opinion publique du dehors ne pourront se dissimuler indéfiniment qu'elle influe sur l'opinion publique chez eux. Une observation de simple bon sens rejoint ainsi les considérations de la plus haute politique. Trop de politiciens et commentateurs américains croient que si de Gaulle prédit avec assurance la défaite américaine au Vietnam, Biblioteca Gino Bianco . ; c'est parce qu'il ne conçoit pas que les Américains réussissent là où les Français ont · échoué. Explication sans valeur : de Gaulle n'ignore évidemment pas les causes de la défaite française, ni ce que les Américains ' peuvent mettre en œuvre pour ne pas se laisser battre. Ses vues sur la situation militaire au Vietnam et sur les perspectives qui s'y dessinent ne découlent nullement d'un amourpropre national, mais de ce que font les EtatsUnis au vu et au su de tous. Il en va de même pour un immense public touché :par les multiples expressions de la presse écnte et parlée qui répercutent partout les voix américaines. Outre les personnages officiels qui ne cessent de renseigner l'ennemi, il y a les spécialistes, les analystes, les journalistes qui rivalisent d'indiscrétion pour exercer leur métier, fût-ce au détriment de leur ,,.pays et de la cause dont ils se disent les zélateu;rs. Le critique militaire du New York Times, Hanson Baldwin, met un point d'honneur à combler le plus possible les lacunes dans les rapports que les services secrets de Moscou reçoivent de leurs agents innombrables. Il n'est pas le seul. La concurrence entre journaux suscite une émulation constante dans l'incivisme au seul profit des communistes, et dont les soldats enlisés au Vietnam sont les pitoyables victimes. Avec les meilleures dispositions envers les· pays qui, en vertu des traités, luttent pour contenir au 17e parallèle la poussée communiste vers le Sud, on ne comprend pas non plus que ces pays, principalement les EtatsUnis, se désintéressent à tel point de l'opinion publique en .Europe et ailleurs, livrée aux poisons de la propagande ennemie, multiforme, le plus souvent camouflée en homélies humanitaires, libérales ou religieuses. Presque rien ne s'oppose ·aux débordements inépuisables de la campagne pseudo-pacifiste qui tend, non à rétablir la p~ix au Vietnam, mais à contraindre les Etats-Unis à s'avouer vaincus. On cornprend encore moins que les données essentielles de cette propagande perfide, de cette campagne éhontée, coulent de sources américaines, ni que tant de citoyens d'un pays fier de son mode de vie le desservent de cette manière, soit pour se rendre intéressants, soit pour make money, et que de tels agissements se couvrent du masque de la démocratie alors que cela devrait être qualifié normalement de trahison. . Ces réflexions ramènent naturellement aux aspects politiques de la guerre puisque c' e!3t

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