Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

I QUELQUES LIVRES rence, les Bourses du travail sont désertées en dehors des périodes d'effervescence sociale : Sur les cinq cents cégétistes de mon usine, on est vingt-cinq aux réunions, toujours les mêmes, qui décident pour deux mille, sont mandatés aux congrès et y apportent leur opinion, pas celle de la vraie base qui n'est pas entendue (...). Les communistes ont appris aux gars à être disciplinés et à réfléchir pour eux. Ils s'étonnent après que les ouvriers ne suivent plus, ne viennent plus aux réunions, se déchargent de leurs responsabilités sur les délégués et permanents qui se retrouvent seuls et sont débordés (p. 33). En 1965, les femmes gagnent de 320 à 390 F par mois, les hommes, dans la métallurgie, 700 F. Pour ceux qui travaillent, le « standing » a nettement progressé depuis quinze ans : on achète à crédit l'équipement ménager et souvent la voiture. « On s'explique difficilement l'incompatibilité entre les salaires et le standing apparent des gens. Les revenus sont un mystère discuté seulement en famille. La paye n'en est qu'une partie », pense l'auteur (p. 44). On peut formuler bien des hypothèses : heures supplémentaires ou travail noir, salaires multiples dans une même famille, système d'aides mutuelles impliquant des trocs, économies diverses, etc. G. Douart ne donne aucun exemple précis fondé sur un calcul budgétaire ; on doit le regretter. Ce qui est évident, c'est l'endettement considérable, car les lourdes dépenses qui assurent le bien-être matériel se règlent à long terme ; elles supposent donc le maintien de l'emploi, voire du suremploi. La simple disparition des travaux supplémentaires aura des répercussions infiniment graves. Or c'est ce qui se passe dans le département de la Loire-Atlantique dont l'économie, trop liée aux seules constructions navales, dépend en fin de compte du marché mondial. Le même problème se pose ailleurs, avec les disparitions ou concentrations d'entreprises. Aussi voit-on aujourd'hui que la garantie de l'emploi est la première des revendications, celle qui oriente toutes les autres. Aux chantiers navals, l'auteur cite des renvois de chefs d'équipe de cinquante-cinq ans après quarante années de présence : à cet âge, le réemploi est presque impossible. Ajoutons que la question est analogue pour les cadres âgés de plus de quarante ans victimes de la fusion des entreprises. G. Douart, qui travaillait à Nantes comme professionnel, s'engagea à Lyon comme O.S. Chez Berliet, il s'initie au travail répétitif et monotone, sans initiative ni responsabilité. La description qu'il en fait est fort juste, mais n'ajoute rien à cc que l'on sait. Néanmoins, cc labeur, fort d~pm:ié des ouvriers qualifiés, Biblioteca Gino Bianco 187 représente une aide substantielle pour les jeunes cultivateurs que l'usine va chercher tous les jours jusqu'à 80 km. de Lyon et qui, sans elle, devraient s'expatrier. Et l'auteur se demande : « Que proposer aux centaines de milliers d'O.S. qui n'ont pas étudié ni appris de métier ? Vont-ils être éternellement sacrifiés (p. 150) ? » Disons qu'ils sont sacrifiés à un moment de la technique en voie d'évolution plutôt qu'à une volonté perverse du capitaDsme, comme l'affirment certains militants qui se prétendent révolutionnaires... Les suggestions de l'auteur nous semblent parfaitement raisonnables à ce sujet, particulièrement celles qui ont trait à la nécessaire réduction des heures de travail comme à l'automatisation de certains postes. Mais en ce domaine comme en beaucoup d'autres, la pression syndicale ne peut être efficace ·qu'en fonction des données économiques et techniques. A Lyon comme à Nantes, chez Berliet comme dans les entreprises familiales, l'auteur constate le même manque d'intérêt pour la vie syndicale. Il en cherche la cause à travers de multiples phénomènes : structure professionnelle de la classe ouvrière ; présence nouvelle des femmes, des étrangers, des ruraux ; mass media, course individuelle au confort, amélioration systématique du niveau de vie ; division syndicale, politisation communiste de la C.G.T., etc. De là, les fatigues et les découragements des militants qui, pour conserver leur autorité, se doivent de refuser tout avantage particulier, tout avancement. Ils restent « sur le tas » et, s'ils souhaitent une promotion, il ne peut s'!gir que de l'accession à un poste de permanent syndical. Mais permanents ou bénévoles, ils échappent difficilement à la situation ambiguë naguère décrite par Daniel Mothé dans son ouvrage Militant chez Renault : se voir soupçonnés de trahison ou bien accusés d'incapacité ... Georges Douart n'est pas loin de professer une opinion identique quand il formule le souhait qu'un fonctionnaire syndical retourne « aux manivelles », redevienne sinon un prolétaire, du moins un ouvrier de la base. Connaît-il beaucoup de permanents qui, volontairement, suivant la vénérable tradition syndicaliste révolutionnaire, ont cédé leur poste pour redevenir ouvrier ? Le « refus de parvenir » était autrefois un des piliers de la morale révolutionnaire, un héritage des « compagnons du devoir ». Nous nous permettons d'être sceptique quand l'auteur affirme que ce refus est aujourd'hui prôné par la majorité des cégétistes ; en tout cas, il ne l'est pas par le parti communiste. Présentement, l'évasion hors de la classe est

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