B. SCHWARZ de M9scou, réorganisé sous les auspices de l'Académie des sciences, se nomme Institut d'histoire des arts. Pendant les quinze premières années du régime, en dépit de nombreuses contradictions, la musique suivit une voie créatrice. Au lieu de l'uniformité monolithique qui devait être imposée par la suite, régnait alors une grande liberté d'expression, sans qu'il fût pour cela renoncé à la tradition. La marque de Staline LA DEUXIÈME PÉRIODE, qui va de 1932 à 1953, fut caractérisée par une ·enrégimentation croissante et par une stricte surveillance idéologique dans tous les domaines de la vie musicale. Au début des années 30, l'A.M.C. moderniste était_ en pleine décomposition, alors que l'A.R.M.P. prolétarienne exerçait une influence quasi dictatoriale. Le modernisme cosmopolite était supplanté par un nationalisme croissant qui se traduisait par un réveil de fierté pour l'héritage de la musique classique russe. Cependant l'A.R.M.P. elle-même éveilla la suspicion des autorités, car elle « ne comprenait pas ( ...) le rôle dirigeant du parti communiste dans le développement de la culture musicale soviétique » 3 • Le 23 avril 1932, le Comité central du Parti publia un décret intitulé : « Sur la reconstruction des organisations littéraires et artistiques ». Tous les groupes d'art prolétariens (y compris l'A.R.M.P.) furent liquidés ; dans chaque branche ne devait subsister qu'une seule organisation « avec, à l'intérieur, une fraction communiste ». Par cette clause, le Parti ·s'assurait la haute main sur les arts. En foi de quoi, l'Union des compositeurs fut fondée en 1932. Installée tout d'abord à Moscou et Léningrad, elle étendait bientôt son organisation au pays tout entier. Compositeurs et musicologues (ces derniers comprenant chercheurs, théoriciens, critiques et éditeurs) pouvaient tous prétendre y appartenir. Malgré ses effectifs assez réduits (en 1958, 1.277 membres répartis en 3 2 sections), l'Union exerça de l'influence, car elle représentait une élite créatrice. Sa revue officielle, la Musique soviétique, commença sa publication en 1933, en tant que bimestriel tirant à 3.000 exem3. lll1toire de la muaique ruaae ,ov"tlqw•, vol. I, p. 65. Biblioteca Gino Bianco 175 plaires. En moins d'un an, elle devint un mensuel de 160 pages tiré à 16.000 exemplaires. En apparence, le décret de 1932 fut favorablement accueilli par tous les musiciens, y . . . . . . , compris ceux qui avaient activement participe aux activités de l'A.M.C. et de l'A.R.M.P. maintenant discréditées. (Dès cette époque, la volte-face était devenue une technique indispensable pour survivre.) Le nouvel objectif, selon Assafiev, visait à « la croissance de la conscience politique du compositeur soviétique dans sa quête obstinée de solutions créatrices » •. La « solution créatrice », ce fut le « réalisme socialiste », concept formulé en 1934 au congrès de l'Union des écrivains. Sa définition, élaborée par André Jdanov et Maxime Gorki, était, à l'origine, destinée à la littérature. L'Union des compositeurs tenta de traduire ledit concept en termes musicaux : L'attention principale du compositeur soviétique doit se porter sur les principes progressistes de la réalité, sur tout ce qui est héroïque, lumineux et beau. Cela distingue le monde spirituel de l'homme soviétique et doit être incarné dans des images musicales pleines de beauté et de force. Le réalisme socialiste exige une lutte implacable contre les tendances modernistes qui nient le peuple, tendances typiques de la décadence de l'art bourgeois contemporain, et aussi contre la soumission et la servilité envers la culture bourgeoise moderne 5 • Les « directions modernistes », tenues pour négatives, reçurent bientôt l'étiquette de « formalisme ». On abusa du terme au point que- Prokofiev eut un jour ce mot sarcastique : « Le formalisme, c'est la musique que les gens ne comprennent pas à la première audidition 6 • » Quoique mal définis, « réalisme socialiste » et « formalisme » furent dès lors les deux principes antagoniques en matière de musique. Ils le sont demeurés jusqu'à ce jour. Bientôt d'âpres discussions eurent lieu sur la manière d'évaluer le réalisme socialiste en musique. Dans des genres rattachés à la parole ou à l'action, comme l'opéra ou le ballet, c'était chose relativement facile ; en musique « pure », c'était pratiquement impossible. Staline prit un intérêt personnel à l'opéra et 4. Cilé in la l\luûque soviétique, 1933, n° :3, pp. 107-108. 5. Cité dans • Le réalisme socialiste•• in Dictionnaire enc11clopédique musical, V. G. Keldych ~d., Moscou 1959, p. 255. . 6. Cité dnns Jsrnel V. Ncsllcv : Prokofiev, trndull pnr Florence Jonas, Stnnford University Press, 1960, p. 278. Chostakovitch n dit a\ Jl<'U près ln m~me rhose dnns ln Pravcln, 17 Juin 1956.
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