Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

174 laisse présager une plus large ouverture d 'esprit et s'est déjà traduite par quelque relâchement. L'évolution de la musique soviétique peut se diviser en trois phases principales, chacune d'elles étant caractérisée par une politique spécifique décidée par le Parti. En dépit des courants et contre-courants à l'intérieur de chaque période, on distinguera~ en, g.ros : l'~xpérimentation (1917-32), 1 enreg1mentat1on (1932-53), enfin la libéralisation (à partir de 1953). Phase expérimentale DE 1917 A 1932, tous les arts furent relativement à l'abri de l'ingérence des autorités, en dépit d'une intense activité partisane. Dans le sillage de la révolution, on assista à une fièvre d'expérimentation créatrice et à des discussions sans fin sur la meilleure manière d'atteindre les objectifs culturels du nouveau régime. Lénine, quant à lui, prêchait la prudence et la modération : La tâche culturelle ne peut être menée à bien aussi rapidement que les tâches politiques et militaires.. En politique, on peut vaincre (...) en quelques s~mame~. Une guerre peut être gagnée en quelques mois. Mais remporter une victoire culturelle en un laps de temps aussi court est impossible 1 • Les affaires culturelles du jeune Etat étaient conduites d'une main à la fois ferme et souple par Anatole Lounatcharski, écrivain de métier, qui fut commissaire à !'Instruction publique de 1917 à 1929. Il avait du goût pour la musique et écrivit beaucoup sur ce sujet. En peu· de temps, les théâtres l~riq1:1es,l.es conservatoires et toutes les autres 1nst1tut1ons musicales furent nationalisés. Les compositeurs furent tenus de produire pour les masses. On forma des « brigades » de musiciens pour jouer dans les villes et les villages, dans les usines et les camps militaires. En même temps, des conférenciers étaient chargés d'expliquer le sens de la musique aux profanes. Une incessante campagne d'éducation tendit à remplacer par un nouveau public de masse la classe moyenne disparue. Le milieu des années 20 fut dominé par deux courants contraires. L'un prônait le modernisme, l'autre, la culture prolétarienne. Le 1. Cité dans Histoire de la musique russe soviétique, Moscou 1956, vol. I, p. 32. B'iblioteca Gino Bi~nco d, L'EXPÉRIEN<JE COMMUNISTE modernisme était représenté par l'Associatio~ pour la musique contempora½1~(A.M.~.) qui organisait des concerts, publiait des livres et des revues, et œuvrait en faveur de l'art moderne aussi bien occidêntal que russe. A· l'opp~sé existaient des gro~p.es tels que ,1'A.ssociation russe des mus1c1ens proletar1ens (A.R.M.P.) et le Collectif de prod~cti?n, d~s compositeurs (PROKOLL ). Leur obJectif _eta1t « l'hégémonie du prolétariat dans les d1ve~s domaines des arts » 2 • L' A.R.M.P. · menait l'attaque contre le modernisme occidental et le jazz américain, ainsi que contre les tendances « bourgeoises » en Russie. La vie musicale était affaiblie du fait que nombre de grands compositeurs avaient émigré, parmi lesquels Rachmaninov, Prokofie~, Medtner Gretchaninov et Glazounov. Mats une nodvelle génération grandissait, conduite par Dimitri Chostakovitch, né en 1906. Sa Première Symphonie, pièce de concours au conservatoire de Léningrad, fut jouée en 1926 et valut à son auteur un succès international. Les thèmes traitant de la révolution et du travail devinrent à la mode, illustrés par des œuvres telles que le ballet Le Pavot rouge (1927) de Reinhold Glière, les symphonies Octobre e~ Premier Mai (1927, 1929) de Chostakovitch, La Fonderie (1926) d'Alexandre Mossolov, la Sixième Symphonie (1924) de Nicolas Miaskovski, la Symphonie de Lénine (1931) d~ Vissarion Chébaline. On inaugura une politique consistant à utiliser le folklore des divers peuples soviétiques comme source d'inspiration des opéras, ballets et poèmes symphoniques. Tel fut le début d'une conception multinationale qui devait devenir un élément important de la vie musicale soviétique. A l'écart de ces grands courants, le compositeur Nicolas Roslavets préconisait l'adoption de la dodécaphonie d'Arnold Schœnberg. La science musicale fut grandement renforcée par la fondation d'instituts de. recherches à Moscou et Léningrad, ce dernier sous la direction de Boris Assafiev (également connu sous le nom de plume d'Igor Glébov). Assafiev devint un musicologue éminent, fut élu à l'Académie des sciences et mourut, chargé d'honneurs,, en 1949. Les instituts publièrent de bons annuaires et patronnèrent des recherches historiques et théoriques. Aujourd'hui, l'institut de Léningrad porte le nom d'Institut ·de théâtre, musique et cinématographie ; celui 2. Cf. Nicolas Slonimsky l\lfusic since 1900, New York 1937, p. 554. ,. ,..

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