148 . supérieur, dans lequel la société devenue maitresse des moyens de production serait aussi maîtresse de son destin. Marx n'a jamais prédit les formes que prendrait ce bouleversement social, ni sa durée 5 • Soulignons cependant que rien, dans le Capital, n'autorise à lui attribuer une théorie quelconque de la « paupérisation absolue ». Dès 1899, Karl Kautsky fit observer à Edouard Bernstein que ce terme n'est pas de Marx ni d'Engels, mais qu'il leur fut gracieusement prêté par leurs adversaires, et nous ajouterons : par les stalinistes plus tard. Les passages qui pourraient donner lieu à des interprétations de ce genre se trouvent surtout dans Ie Manifeste de 1848 ; elles datent donc d'une époque où Marx n'était pas encore devenu marxiste et s'inspirait largement de la pensée de Sismondi. 'EST dans les livres · II et III, publié& après la mort de Marx, que l'on trouve les contributions les plus intéressantes et que la plupart des commentateurs, disciples et adversaires, ont si fâcheusement négligées. Nous avons déjà noté, ci-dessus, les contradictions du système, les tendances se heurtant aux tendances contraires et acculant le capital à une situation insoluble. Mentionnons en outre les schémas de reproduction du livre II, qui sont une application du célèbre Tableau de Quesnay à un système capitaliste développé. Indiquons, dans le même livre (chap. VI), l'exposé sur le travail commercial et le travail improductif, où l'on relève quelques contradictions avec ce que Marx en dit dans son Histoire des doctrines économiques (vol. I et II, examen des idées d'Adam Smith) .. Remarquons encore, dans le livre III cette fois-ci, le chapitre relatif à la péÎ,-équation du taux de profit (transformation de la valeur en « prix de production ») dont nous avons parlé au début, ainsi que l'exposé du mécanisme en vertu duquel la plus-value se divise en bénéfice de l'entrepreneur (industriel, commerçant, banquier), intérêt et rente foncière. A souligner aussi et d'autant plus fortement que presque personne, à l'exception de Karl Renner, n'en a saisi l'importance, la distinction faite par Marx entre le capital actif et le capital sans fonction et, dans le même ordre d'idées, le fait que le profit comprend une parde qui n'est pas de la plus-value, mais la rémunératiqn que 5. Ses vues changeantes sur le caractère pacifique ou violent de cette transformation n'entrent pas dans le sujet de cette étude. BibliotecaGino Biariço ANNIVERSAIRE le patron s'attribue pour son propre travail et que Marx appelle « salaire de surveillance » (ou de direction). Il faut mentionner, last but not least, dans ce même livre III, le chapitre intitulé : « Le rôle du crédit dans la production capitaliste », chapitre vraiment prophétique 6 où il est question des sociétés par actions, à peine développées alors, _duprocessus de socialisation s'accomplissant aux sommets de l'ordre capitaliste et par son action propre, du processus d' expropriation des petits par les gros sous des formes •bien différentes de celles qui sont décrites au livre Ier, enfin du rôle et de l'importance des ,, . . cooperat1ves. C'est dans l'un des derniers chapitres de ce même livre III que l'on trouve des considérations sur les. prix de monopole qui, quoique brèves et succinctes, ont guid~ Hilferding dans l'élaboration de sa théorie des prix de monopole (chap. XV de son Capital financier). · Le Capital se termine par cette phrase· d'Engels placée entre crochets : « Le· manuscrit s'arrête ici. » Il s'arrête, en effet, tout au début du chapitre LII, intitulé : « Les classes ». Mar·x y pose la question : « Qu'est-ce qui forme une classe ? » et il y donne cette première réponse (c'est nous qui soulignons) : « A prem~ère vue, l'identité des revenus et des sources de revenus. » Pour qui connaît la pensée de Marx, la suite et la conclusion vont de soi : puisque les revenus sont fonction des différentes formes de propriété, les classes se rattachent à la propriété ou . à la non-propriété des moyens de production. C'est cela, croyons-nous, qu'il importe de retenir pour l'analyse des structures sociales de la seconde moitié du xxe siècle. ,, , . ,. ,,. . - MARXANALYSEun capitalisme « pur », d'où il a éliminé tous les éléments extra-capitalistes : paysans, artisans, petits commerçants, et à plus forte raison toutes les formations d'économie naturelle. Ce sont les mécanismes, les lois et les tendances de ce capitalisme idéal, inexistant, qu'il expose, quitte évidemment à tenir compte plus tard des altérations que subissent ces mécanismes sous l'influence des éléments exogènes, de' même que le physicien doit connaître d'abord la loi qui détermine la chute d'un corps 6. Marx n'a formulé de prévisions qui se soient réalis~es que lorsqu'il demeurait sur la base de l'analyse scienti~qu~. Chaq~e fois_que, f~isant des entorses à ses propres prmc1pes antI-utop1ques, d voulut jouer au prophète les événements lui ont donné tort. '
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