144 à Paris pc;,ur si peu de résultat, ayant couru le risque d'être reconnu par la police, qui devait veiller à ce qu'il ne quittât pas Barbizon pour participer à des réunions politiques. 1'1ais après tout, ce n'était pas l'O.S.P. qui avait demandé ce rendez-vous. - A la fin de l'ordre· du jour, Trotski exprima l'espoir que la prochaine réunion serait plus fructueuse. ·Il prit alors congé des présents, mais moi, je n'eus pas de poignée de main. Il savait que j'étais perdu pour le mouvement révolutionnaire tel qu'il le concevait. Quant à moi, je sentis qu'il ne fallait plus compter sur lui pour rénover les conceptions sociales et politiques, rénovation selon moi nécessaire. Quand nous pénétrâmes dans l'antichambre pour prendre nos vêtements, une jeune fille, ou jeune femme, vint nous aider. Trotski lui demanda, s11run ton badin, si elle persévérait toujours dans ses idées contre-révolutionnaires. Elle répondit, ayant l'air de ne pas remarquer le persiflage, par une définition qui établissait une sorte d'identité entre les termes « révolutionnaire >> et « contre-révolutionnaire », soutenant qu'il fallait, en recherchant la vérité, restreindre les limites de cette terminologie. Je connaissais cette manière sérieuse de raisonner par quelques articles que j'avais lus dans la Révolution prolétarienne, publication mensuelle dirigée par Pierre Monatte, articles qui m'avaient fait . . 1mpression. Cette femme, c'était Simone Weil. A ce moment-là, son évolution spirituelle ne faisait que commencer. Son intelligence m'était révélée à travers ses articles, mais avec quelque chose de plus : un courage moral qui ne s'arrête pas devant des conventions et qui parfois ose accepter des conventions généralement réprouvées quand elles lui paraissent justes. Pardessus tout, une pureté morale et un désintéressement portés au plus haut niveau. Tout cela m'avait touché et j'avais fait traduire et publier un de ses article dans De Fakkel (le Flambeau), le journal hebdomagaire de l'O.S.P. Cependant, ses conceptions, jè' ne les partageais aucunement. Elles n'allaient pas dans mon sens, mais dans celui de Gandhi, ce qui explique qu'un organe mensuel de De Ligt, Libération, ait également donné une traduction de ses articles, et plus tard même sous forme de brochure. Mais tandis que je ne prenais pas au sérieux la valeur d'un De Ligt ni de. ses suiveurs, celle de Simone Weil s'avérait si frappante, et fondée sur des arguments si forts, qu'on devait pouvoir y répondre avant de poursuivre la route menant à la rénovation du socia- ·siblioteca Gino Biarico. .. LE CONTRAT SOCIAL lisme. Cependant une réponse pertinente à ses arguments_ne m'était pas encore claire à cette date. Mais il me parut nécessaire pour riotre milieu d'apprendre à connaître ses idées et tenter de les assimiler. Entre-temps, Trotski partit avec ses secré-:- taires ; nous devions attendre pour ne pas sortir en même temps que lui. Je profitai de l' occasion pour me présenter à Simone et lui dire que j'avais publié un de ses articles dans mon journal, non pas que l'approuvasse, mais parce , qu'il me semblait nécessaire qu'on réfléchît posément sur les problèmes du socialisme, au lieu d'en parler avec des clichés comme le faisaient Trotski et autres « marxistes » qui ne cessaient de répéter ces affirmations archi-usées. Elle me remercia de mon témoignage de sympathie, tout en disant qu'elle voulait quand même entrer dans les· arguments des « camarades ». Je lui laissai donc poursuivre la discussion· avec les « camarades », mais fus content de .pouvoir leur dire adieu, et de quitter le premier, après Trotski, la maison. J'inaugurai l'année 1934 par une bonne promenade le long de la rive gauche de la Seine, - par le grand boulevard où se trouvait mon hôtel. Je ressentis une sorte de bien-être à la pensée d'avoir rompu avec Trotski, mais plus j'y pensais, plus il m'était évident que la rupture avec le milieu dans lequel je militais serait à la longue inévitable. L'année 1934 amena cette rupture. Je ne revis plus Trotski depuis cette soirée à Paris. Quelques mois plus tard, il publia dans l'organe de Sneevliet un article· dans lequel il démontrait que j'étais un petit bourgeois qui ne comprenait rien au marxisme. Plus tard encore, lorsque j'eus quitté l'O.S.P., et que le reste de ce parti eut fusionné avec le· parti de Sneevliet, appelé ensuite R.S.A.P. (parti .ouvrier. ·socialiste révolutionnaire), il écrivit qu'il devenait clair maintenant que j'étais un lâche et un contre-révolutionnaire. Je n'ai jamais répondu directement à ces accusations, mais dans mon livre Van Tsarisme tot StaUnisme et dans nombre d'articles publiés dans De Nieuwe Kern, dont la publication date de cette époque, j'ai réglé mes comptes avec le trotskisme, donc avec Trotski. , En 1940, ayant échappé .à Hitler et me trouvant entre l'Australie et l'Indo~ésie, j'appris par la radio du bord l'assassinat de Trotski au Mexique. J'écrivis alors un article dans lequel j'essayais d'indiquer le rôle histQrique de Trotski, , avec l'espoir de le publier dans la presse indo- - nésienne. Mais à peine arrivé à Batavia, j'ap-
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==