Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

142 ·notre parti avec celui de Sneevliet. Je le ne niai pas, tout en estimant qu'à cette époque, la vie de l'O.S.P. n'avait plus d'influence dans le pays, encore moins que le parti de Sneevliet, fort d'un siège à la Chambre. Mais je n'étais, en aucun cas, disposé à chercher du côté des trotskistes l'influence perdue, car cela nous eût éloignés des ouvriers moyens appartenant au S.D.A.P. (parti ouvrier social-démocrate) ou à sa droite. Et si notre politique devait être à gauche, elle devrait, en tout cas, être à l'opposé de tout communisme à la russe. · Oui,. dit Walcher, il avait entendu parler de cela, car on lui avait dit que j'avais donné un article dans la publication « scientifique » de Sneevliet, la Lutte des classes, où j'avais· écrit que tous les communistes russes, y compris Trotski et Lénine, étaient avant tout des communistes nationaux. Pour illustrer cette affirmation, j'avais rappelé le cas de Zinoviev· qui, selon Lénine et Trotski, avait totalement failli à sa tâche lors de la révolution è:l'Octobre, mais qui fut néanmoins nommé par Lénine président de l'Internationale communiste : un déchet communiste était donc jugé encore assez bon pour diriger le communisme mondial. Cette remarque, dit Walcher, avait excité la colère de Trotski, ainsi que mes doutes sur la · théorie de la lutte des classes. Aussi Trotski devait-il bientôt régler mon compte. Quant à Walcher lui-même, il pouvait, dans une certaine mesure, approuver mes remarques concernant le nationalisme des Russes : il en avait tant vu en Allemagne... Mais ce que je pensais de la lutte des classes ? C'était vraiment trop ... MAIS nous arrivions à la maison où habitait la famille du Dr Weil. Un ascenseur, puis un autre, un escalier, et nous voilà dans un appartement mansardé, entièrement mis à notre disposition'. L'obscurité y régnait déjà, mais par la fenêtre on pouvait voir encore la silhouette du Panthéon ; demeure agréable, que -celle de la famille Weil. Mais qu'attendions-nous? Nous nous étions salués et, à part Sneevliet et moi, représentant deux petits partis hollandais, il n'y avait qu'un petit groupe d'Allemands du S.A.P., quelques Français représentant l'aile gauche, influencée par Trotski, de la Fédération socialiste parisienne, et quelques jeunes gens appartenant à l'organisation centrale du trotskisme, puis des secrétaires de Trotski. L'Independent Labour BibHotecaGino ., ' 1anco LE CONTRAT SOCIAL Party qui, en vertu de ses conceptions libérales, était généralement présent partout, n'avait envoyé personne. Nous attendions donc « un camarade de marque », comme le dit l'un des secrétaires. Chacun savait de qui il s'agissait, mais le nom ne devait pas être prononcé. Le « camarade de marque », qui vint quelques moments plus tard, s'était fait raser .le bouc et la moustache ; sa haute· crinière, plaquée sous une épaisse couche de pommade s1:1r son crâne, était partagée par une raie. Vêtu d'un costume colbert -de bonne coupe, chemise et cravate, il ne ressemblait en rien au portrait de Trotski qu'on avait de lui dans notre mémoire. Un homme quelconque, genre rentier de province, venu passer la soirée de la SaintSylvestre à Paris. Il ne perdit guère de temps en salutations ; seuls quelques vieux amis comme Sqeevliet et Walcher furent salués avec cordialité. Je reçus sa main, lui donnai la mienne, mais sans cha- · leur. Nous savions que ça n'allait plus '"du tout entre nous. Mais ce qu'il voulait ne m'était toujours pas clair, ni pourquoi il nous avait ,, . reun1s. Son exposé devait nous le faire comprendre. Nous étions tous d'accord, affirma-t-il, et c'était là le centre de son exposé, pour penser· qu'en cette période, un front commun avec la socialdémocratie était une nécessité. Seuls les stalinistes étaient toujours contre. Eux seuls proclamaient que l'avènement de Hitler au pouvoir était virtuellemebt~une victoire du communisme allemand; que Hitler se trouvait dans une position extrêmement instable et qu'on pouvait à chaque instant s'attendre à sa chute. Les « bolchévistes-léninistes », cependant, savaient que le danger restait toujours très grand et .grandissait même de jour en jour. D'où la nécessité d'un front commun. Mais nous devions bien comprendre que la social-démocratie n'était, en réalité, guère disposée à la lutte, et surtout à la mener d'une manière continue, car cela mettrait en danger l'ordre existant. Et c'était là justement le but de notre lutte, car une résistance effective à Hitler ne serait pas possible sans modifier profondément la structure de la ·société. Il était donc nécessaire de combattre sans répit l'idéologie social-démocrate, surtout pendant la période où l'on tenterait de former un front commun. Certes, la conception staliniste d'un front commun à la base, contre les leaders, était un non-sens, et l'on devait donc accepter ces derniers, tout en les combattant effectivement en

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