Le Contrat Social - anno XI - n. 2 - mar.-apr. 1967

K. A. WIITFOGEL Sur le front intérieur, la politique agraire de Mao avait été mitigée par les concessions considérables accordées aux paysans lorsque les conséquences catastrophiques des « communes » étaient devenues apparentes. Bien que la situation alimentaire soit moins tendue depuis 1962, le rationnement des vivres et l'importation des céréales restent nécessaires. Et la pénurie de main-d',œuvre qui handicape gravement l'agriculture chinoise depuis la collectivisation n'a pu encore être surmontée. Certaines dispositions importantes de la « réforme éducative » avaient pour but évident de fournir plus de main-d'œuvre à l'économie rurale. Selon le point 10 de la Décision du 8 août, « la période d~ scolarité doit être raccourcie », et durant cette période réduite, les étudiants ne doivent consacrer qu'une partie de leur temps à l'étude, le reste étant réservé « au travail industriel, au travaux agricoles et aux travaux militaires ». Certes, cette politique fournit de la main-d'œuvre d'appoint à l'agriculture et des recrues supplémentaires pour l'industrie. Mais elle abrège considérablement la durée normale des études, ce qui aura pour résultat inévitable de restreindre la formation de spécialistes qualifiés. Nous l'avons déjà dit, les « difficultés » des campagnes ont eu des effets nocifs sur l'entraînement et le moral de l'armée depuis les années 50. En août 1966, l'Armée de libération demanda à nouveau que les soldats participent au « travail productif », principalement aux travaux agricoles. Ce système, en vigueur durant toute la décennie passée, met en relief la durée de la crise agraire. Il explique la répugnance du régime à s'engager directement même dans de petites guerres locales (comme en témoigne sa volonté d'éviter un conflit frontalier prolongé avec l'Inde) et le fait qu'il n'a jusqu'ici apporté au Vietcong qu'une aide limitée. Les dirigeants de Moscou, qui ont le moyen de se tenir au courant de la situation en Chine communiste, n'ont pas été impressionnés par la puissance militaire de Pékin, ainsi que l'ont montré les remarques franches - peut-être trop franches - de Khrouchtchev. Malgré quelques 1nouvements de troupes le long de la frontière sino-soviétique, ils ont peu de raison de changer d'avis. Les réussites nucléaires de Pékin effraieront peut-être quelques-uns de ses voisins, mais elles sont un lourd fardeau pour les ressources industrielles de la Chine, sans faire de celle-ci une puissance nucléaire importante. L'idée que la Chine peut engager Biblioteca Gino Bianco 119 l'U.R.S.S. dans un conflit armé est absurde, tant du point de vue technique que politique. Seul un Mao ou un successeur de Mao, devenu complètement fou, déclencherait une guerre qui pourrait fort bien amener l'effondrement de son pouvoir. C'est manquer complètement de réalisme que de ne pas prendre en considération les conséquences intérieures impliquées par la ligne Mao-Lin ou de s'attendre à ce que les dirigeants de Moscou se rangent aux côtés de l'Occident parce qu'ils se sentiraient menacés par la puissance militaire chinoise. C'est en manquer tout autant que d'oublier les conséquences internationales de cette ligne - la détermination de Pékin de déclencher des guerres populaires de libération dans les pays en voie de développement du Sud-Est asiatique, d'Afrique et d'Amérique du Sud. Le fait qu'en de nombreux cas l'influence chinoise ait été remplacée par la soviétique n'a pas conduit les dirigeants maoïstes à abandonner cette règle fondamentale de leur politique internationale. L'écrasement de leurs partisans en Indonésie a évidemment intensifié leur désir de prolonger la guerre au Vietnam. Une trêve qui ne serait pas concluante permettrait aux communistes de lancer des « guerres de libération » à travers le Sud-Est asiatique et de continuer ainsi, à une échelle accrue, l'opération qui consiste à « saigner et affaiblir ». Nous ne devons pas nous attendre non plus à ce que cette stratégie soit abandonnée si les maîtres actuels de la Chine communiste venaient à être renversés. Pour le moment, ils s'emploient à resserrer leur mainmise sur les comités régionaux du Parti et, à travers eux, sur les organismes gouvernementaux. Apparemment, ils ont également en main les grands moyens d'information dont l'importance est vitale. Il est possible que la supériorité de leur position stratégique leur assure la victoire. Mais dans ce cas les difficultés internes non résolues encourageront d'autres tentatives en vue de les déloger. Si l'opposition « révisionniste » s'empare des leviers de commande, il est fort probable que des changements importants surviendront en politique intérieure et, tôt ou tard, ils seront suivis par la restauration de bonnes relations avec Moscou. Un tel développen1ent ramènerait en Chine experts et crédits soviétiques, au profit in1médiat de l'industriali ation du pays, mais au prix de sa subordination à l'U .R.S.S. Et l'hégémonie de Moscou sur le can1p communiste,

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