Le Contrat Social - anno XI - n. 2 - mar.-apr. 1967

K. A. WITTFOGEL latine. Et il répétait mot pour mot la phrase essentielle de la Proposition, à savoir qu'à notre époque « la cause de la lutte prolétarienne internationale dépend de l'issue des luttes révolutionnaires des peuples de ces régions [agraires], lesquels constituent la majorité écrasante de la population mondiale ». Ainsi, la prétendue « ligne Lin Piao » de septembre 1965 n'était autre, au fond, que la « ligne générale » maoïste de juin 1963. Et Mao agissait de façon conséquente et prudente en confiant le soin d'élaborer cette ligne à Lin, lequel, comptait-il, appuierait entièrement sa politique internationale puisqu'il avait donné un appui sans réserve à sa politique intérieure. Cette confiance s'~véra justifiée: Lin fit complètement sienne la double politique de Mao, et, chose facile à comprendre, il devint son compagnon le plus intime et son second. Les gardes rouges CES CIRCONSTANCEsSuffirent donc à faire de Lin Piao le nouveau dauphin, mais non à éliminer les nombreux éléments de droite qui avaient survécu à la chute de Lo Jui-ching et de Peng Chen. En outre, l'ascension de Lin n'assura pas automatiquement à· l'équipe MaoLin les services de tous les rouages du Parti et de l'appareil de l'Etat. L'effort pour surmonter cette double difficulté a donné naissance à ces bouleversements qui ont rendu le monde perplexe. La direction Mao-Lin n'avait-elle pas assez de réserves de patience pour jouer le jeu long et hypocrite qu'avait si habilement mené Staline pour triompher de se ennemis déclarés ou occultes ? Ou bien jugea-t-on opportun d'avoir recours à la méthode que Mao avait auparavant trouvée si pratique et qui consiste à « soulever ">> les masses ? Quoi qu'il en soit, les stratèges Mao et Lin décidèrent, pour vaincre leurs adversaires, de faire appel à une nouvelle masse de manœuvre, les gardes rouges. L'historique de cette organisation aidera à comprendre son ' . . . caractere ams1 que son action. Origine. - Des réformes radicales et une révolution culturelle avaient déjà été préconisées bien avant 1966. Mais c'est en 1966 que les critiques en ce sens redoublèrent d'intensité. Au début, les leaders maoïstes s'adressèrent de préférence aux intellectuels, professeurs d'université, membres de l'enseignement primaire et secondaire, étudiants, dont « la pensée était saine ». En juin 1966, ils concentrèrent leurs efforts sur une catégorie différente, Biblioteca Gino Bianco 117 peut-être parce que des expériences récentes avaient révélé des attitudes « antiparti » inquiétantes dans les collèges et les universités. Peut-être le poison politique n'avait-il pas contaminé les écoles secondaires de façon aussi inquiétante ? Aussi fut-ce aux étudiants de dernière année de ces établissement ainsi qu'à d'autres jeunes d'âge identique que les stratèges confièrent la tâche de harceler ouvertement, et souvent sans douceur, l'opposition. L'expression « gardes rouges » aurait été appliquée pour la première fois aux étudiants d'une école intermédiaire rattachée à l'université de Tsinghua en juin 1966 - c'est-à-dire au moment même où le gouvernement fermait les institutions d'enseignement supérieur et y interdisait pour six mois toute inscnption nouvelle. On prétendit que ces mesures étaient rendues nécessaires par la réorganisation « prolétarienne » de l'éducation supérieure, laquelle figure effectivement au programme de la révolution culturelle prolétarienne. Mais une fois ces jeunes gens libérés de leurs obligations scolaires, il ne fut pas difficile de les mobiliser pour la plus grande gloire de Mao. Après les avoir laissés « lutter » pendant la première partie de l'été, le Comité central publia, le 8 août 1966, une Décision relative à la grande révolution culturelle en seize pain ts. Et le 18 août, une grande 1nanifesta tion de masse attribua aux jeunes militants le nom de « gardes rouges ». Comme preuve du caractère officiel de leur organisation, ceuxci portèrent désormais des brassards avec ce nom. Caractère social. - Une révolution culturelle prolétarienne devrait, en bonne logique, se fonder sur des éléments de la classe ouvrière. Mais, selon la doctrine de Lénine, des militants non prolétariens peuvent prendre la direction si les ouvriers sont en trop petit nombre ou si ceux qui sont disponibles manquent de conscience politique. Dans la nouvelle révolution « prolétarienne » de Pékin, prétendit-on, les travailleurs constituaient la force principale. La Décision du 8 août stipulait : « La masse des travailleurs, paysans, soldats, intellectuels et les cadres révolutionnaires forment la base de cette grande révolution culturelle » (point 2). Cependant, c'étaient les « jeunes révolutionnaires » qui auraiint à mener la lutte ouverte (point 2). Ces « pionniers », comme on les appelait, constituaient en réalité une masse socialement indéfinie. Ils apparaissaient dans « des groupes, comités et organisations culturelles révolutionnaires créés

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==