52 économique, et ignorant la division du travail. . Aujourd'hui, alors qu'elle se mécanise et que l'exploitation est soumise à la loi d'une concentration destinée à favoriser la i;entabilité, elle pénètre petit à petit dans le processus industriel par des moyens d'ailleurs fort éloignés du libéralisme capitaliste d'antan. L'Etat, dont on sollicite l'aide, crée une multitude d'organismes qui déroutent le non-spécialiste et qui, espérons-le, seront aussi efficaces qu'ils sont nombreux. Ne s'agit-il pas d'espérer une mutation en douceur, épargnant au maximum les habitudes familiales des vieilles générations, mais laissant ouverte la voie au progrès ? Peut-on éviter la transformation des petits et moyens exploitants en salariés d'une grande agriculture capitaliste? Tels sont les problèmes soulevés par l' évolution actuelle de l'agriculture. Si par certains aspects ils rappellent ceux que le XIXesiècle industriel a résolu parfois d'une manière si inhumaine pour les ouvriers et les artisans, il n'en est pas moins vrai qu'ils naissent dans un milieu social qui a, d'une part, sa tradition propre et, d'autre part, un appétit de savoir et une culture humaniste à qui nous souhaitons de s'épanouir dans des formes d'exploitation respectant la liberté et la dignité de chacun. MICHELCoLLINET. * * * Guy BARBICHON: « Le passage de la population active de l'agriculture à l'industrie » (13 pp.); YvEs TAVERNIER: « Les forces syndicales et politiques devant les problèmes fonciers » ( 60 pp.). Chapitres extraits de : Tendances et volontés de la société française, études sociologiques publiées sous la direction de Jean-Daniel Reynaud, préface de Raymond Aron. Paris 1966, S.É.D.É.I.S., Futuribles, 501pp. 1 • M. Guy Barbichon consacre son exposé à l'exode rural, phénomène aujourd'hui déterminant par son ampleur exceptionnelle, mais phénomène ancien et constant d'une portée universelle. En France, comme dans les autres pays avancés, la population agricole a sans cesse diminué, en dépit des propagandes pour le « retour à la terre » et des descriptions aussi .faussesqu'intéressées de la « famille paysanne » en tant que foyer de toutes les vertus civiques. L'exode affecte surtout .la jeunesse, pour . 1.. Nous rendrons ·compte ultérieurement de l'ensemble du livr~.. · . Biblioteca Gino Bianco 1 LE CONTRAT SOCIAL laquelle l'adaptation professio~elle est relativement aisée; elle fuit ce qu'on peut nommer sans exagération la servitude familiale, engendrée autant par les routines traditionnelles que par la misère économique des petites exploitations agricoles. On a souvent invoqué l'attrait des villes, leurs lumières et leurs salles de cinéma ; mieux .vaudrait parler, comme le fait l'auteur, de l'expulsion des excédents de main-d'œuvre dans les campagnes où, en dépit des appar~nces, existe une surpopulation latente. La décentralisation et la codissémination des industries facilitent ces transferts d'activité qui, en .général, ne s'accompagnent pas, comme autrefois, d'une expatriation, cause de tant de drames personnels. Aujourd'hui, dans les périodes de plein emploi, le travail industriel salarié offre des garanties sociales, un niveau de vie et ,. des possibilités de loisir qui, par contraste, font apparaître la vie aux champs comme une 1 géhenne. L'émigrant rural n'est plus un aventurier : il· cherche d'abord sa sécurité, son insertjon dans l'activité industrielle n'est plus un facteur d'étonnement ou de trouble. Auprès des nouvelles entreprises montées hors des villes prolifère ce qu'on pourrait appeler l'ouvrier-paysan ; mais -celui-ci n'a plus rien de commun avec son ancêtre paysan qui, en hiver, se muait en ouvrier ou en artisan, et revenait au travail de la terre durant les beaux jours. Cette double activité tend à disparaître au profit de la seule industrie ; et l'ouvrier-paysan d'aujourd'hui n'est plus qu'un ouvrier industriel habitant la campagne et cultivant son . jardin pendant ses loisirs. Néanmoins, l'usine rurale n'est souvent pour le jeune migrant qu'une étape vers la vie urbaine. Nous avons vérifié nous-même, dans le département de l'Oise, que ce transfert se faisait à travers deux générations, la première passant de l'état de journalier agricole ou de petit exploitant à celui d'ouvrier d'usine (généralement O.S.). Les ·enfants· ·de ces ouvriers aspiraient à, devenir ouvrier qualifié, petit fonctionnaire, employé. Quant aux bineurs de betteraves, ils ont fait place depuis vingt-cinq ans aux arracheuses ,, . . , mecan1ques et motor1sees. De son côté, M. Yves Tavernier souligne d'abord le changement psychologique qui s'opère dans les masses paysannes. Acquérir de la terre, a,ccéder à la propriété ou simplement l'agrandir a été le but séculaire de l'agriculteur traditionnel. Déjà, M. H. Mendras avait mon- - tré l'écart entre le jeune agriculteur et son père, écart plus grand qu'entre ce dernier et ses ancêtres médiévaux. La jeunesse actuelle
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