Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

26 Les événements de la guerre prennent chez beau- . coup d'auteurs un aspect trop unilatéral. On décrit trop souvent la vie dans les camps de prisonniers ou dans les camps de concentration hitlériens. Le lecteur a parfois l'impression que ce sont les prisonniers qui étaient les patriotes les plus authentiques et les plus actifs (cf. n. 7). Malgré leurs qualités d'âme, ces martyrs enchaînés d'une époque révolue ne peuvent guère servir de modèle au « héros positif » d'aujourd'hui. Il s'agit de glorifier à nouveau l'énergie du combattant libre, en particulier du partisan : Dans toute la Biélorussie, on recherche aujourd'hui des précisions sur les combats des unités de l'armée soviétique, sur ceux livrés par les brigades de partisans et par les organisations clandestines du Parti et du Komsomol. On écrit leur histoire. Les données recueillies ont permis d'ouvrir dans cette République 2.625 musées, chambres et coins consacrés à la gloire de ces combattants. Cinquante gourbis de partisans, reconstitués, sont devenus des musées d'un genre particulier. Le Comité central du Komsomol a organisé une marche sur les lieux de ·combats glorieux du peuple soviétique, à laquelle ont pris part 600.000 jeunes en Biélorussie. 2.310 monuments, stèles et plaques commémoratives ont été installés au cours des deux dernières années avec le concours actif des jeunes et du Komsomol. Des rassemblements solennels de jeunes pionniers, au cours desquels ils prêtent leur serment de fidélité à la patrie, sont tenus près de ces monuments et sur les fosses communes. On organise des rencontres de jeunes avec les anciens combattants dans les caches de partisans reconstituées (cf. n. 8). Or, .comme toujours en U.R.S.S., le récit de ces exploits, imposé d'en haut aux jeunes pour remonter leur tonus moral, n'est qu'un feu de paille : Pour le vingtième anniversaire de la -libération de la Biélorussie, les jeunes komsomols avaient organisé (...) au village de Pérébol, où siégeait jadis le comité régional clandestin du Parti, un· musée militaire. On avait fait beaucoup de bruit dans la presse à propos - de ce musée, de son inauguration. Mais, l'anniversaire une fois célébré, on a tout oublié. Aujourd'hui, le musée est à l'abandon. Les armes, .équipements, documents et autres objets qui avaient appartenu aux partisans, ont disparu. Il ne reste au musée qu'un seul certificat et une unique cuiller.., Au village de Rousskoïé-Siélo, en Ouzbékistan, la fosse commune de ceux qui sont tombés pour le pouvoir soviétique est aujourd'hui une décharge publique, pleine de bouteilles vides, de boîtes de conserves et de seaux percés. Toutes les inscriptions se sont effacées, la clôture s'est effondrée. Pourtant, cet enclos est au centre du village (...). Il est difficile de trouver les mots pour stigmatiser une attitude aussi indigne... (cf. n. 2). Ces campagnes de propagande n'ont pas grande portée, et les autorités s'en rendent · parfaitement compte : C'est une profonde erreur de croire que le fait même de vivre au pays soviétique, dans l'ambiance BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE de la réalité socialiste, présuppose chez les jeunes la formation d'une conception communiste du monde (ibid.). · L'effet produit par cette « réalité socialiste » paraît être diamétralement opposé aux désirs du Parti. De son côté, le relâchement relatif accordé sous Khrouchtchev aux entraves imposées aux . belles-lettres, donne des résultats désastreux : Sur l'initiative de la revue Novy Mir,· nombre de revues ont ouvert leurs colonnes à un véritable torrent de « littérature des camps ». Il est inquiétant de constater que la place des héros authentiques, maîtres de leurs actes, capables de lutter et de s'illus- - trer par leurs actions d'éclat, commence à être prise par des personnages politiquement amorphes, enfermés dans la carapace de leurs émotions et faisant bravade de leur passivité sociale et politique '(...). Depuis quand la dépréciation triviale de notre réalité, le dénigrement global des conquêtes de notre ~ régime, le scepticisme aigri et la hargne facile à propos des difficultés existantes ont-ils commencé à passer pour du courage civique? (Ibid.) D'où une nouvelle levée de boucliers pour stimuler le moral de la jeunesse. Les décisions du 15e congrès du Komsomol proclament de façon péremptoire : Les comités du Komsomol, les maisons d'édition, les journaux et les revues pour la jeunesse, la direction de la radio et de la . télévision doivent soutenir, propager et stimuler dans la littérature, le cinéma, la peinture et la musique, des œuvres dont les héros - sont animés par l'idée de transformer le monde, des œuvres qui glorifient notre réalité soviétique et décrivent la dialectique de la lutte pour le communisme de notre peuple tout entier (...). Le devoir de tous •ces organismes est de glorifier sans cesse les qualités authentiquement communistes : le civisme élevé, le collectivisme, la générosité de l'âme et la pureté morale de notre jeune contemporain (Kom. Prav., 22-5-66). Les qualités morales réelles de ce contemporain mériteraient une étude spéciale, car elles préoccupent constamment la Cour suprême de l'U .R.S.S. et les autorités chargées du maintien de l'ordre. Nous ne nous occupons ici que du sauveta~e de son moral. * * * PARMI LES MESURES prises ces dernières années figure la mise en exploitation d'un filon prometteur : la lutte des services secrets soviétiques contre les ennemis du régime. Les espions, surtout les agents provocateurs, dont on ne soufflait mot auparavant, sont deveflus subitement des vedettes héroïques, tel le fameux Richard Sorge. Notons ici une particularité de la langue russe d'aujourd'hui : un agent de renseignements qui travaille contre l'U.R_.S.S. ou un pays « socialiste » est un espion, avec toutes

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