Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

L. LAURAT seuls, sans aucun apport de travail salarié. La marge qu'ils réalisent entre le prix de vente et la mise de fonds est généralement positive (sauf en temps de mévente) mais n'a rien à voir avec le profit capitali~te résultant du fait que la force de travail es; une marchandise que Marx a ~éfini dans Le Capital. Il s'ensuit que le capitalisme n'est qu'une phase, ou un cas particulier, du libéralisme mais qu'il ne saurait en être synonyme. L~ fausse identité libéralisme = capitalisme apparaît nettement si l'on jette un coup d'œil sur les économies occidentales. Bien que bridé, régularisé. et parfois vicié par l'intervention directe de l'Etat, par des monopoles étatiques et privés, le libre jeu des forces économiques a ~our participants des producteurs non capitalistes, des capitalistes individuels de modeste e~vergure mais jouant souvent un rôle de pionniers (P.M.E.), des capitalistes collectifs (actionnariat), des coopératives (élément peu important en France), des entreprises nationalisées (charbonnages) et des sociétés relevant directement de la collectivité nationale. Toutes ces entreprises sont sujettes au libre jeu des forces économiques (le monopole de la S.N.C.F. lui-même est tout relatif, vu la harcelante compétition entre le rail, la route et l'air). Et même l'Etat, obligé d'arbitrer tous ces conflits dans l'intérêt général, ne peut trouver de « cotes mal taillées » qu'en tenant largement compte de la concurrence ; s'il parvient à « corriger la for tune » pour un quart ou un tiers, il doit pour le reste s'incliner devant la concurrence. Le libéralisme occidental a donc cessé, dans une très large mesure, d'être capitaliste. Il a en même temps cessé, tout aussi largement, d'être du libéralisme au sens classique du terme puisque les interventions destinées à « corriger la fortune » deviennent de plus en plus nombreuses. Tous ces faits, cependant semblent échapper à la plupart de nos con~emporains. Nous n'en voulons pour preuve que l'attitude, contradictoire et déconcertante de maints socialistes occidentaux qui se féli~itent de la « libéralisation » dans les pays du bloc soviétique, tout en lançant leurs anathèmes contre quiconque s'évertue à trouver des avantages et des traits progressifs au libéralisme bien relatif qui caractérise les économies occidentales. L'UN DES FACTEURS déterminants de cet état d'esprit répandu chez tant de socialistes et de syndicalistes d'Occident est sans aucun doute Biblioteca Gino Bianco 19 le souvenir de la grande crise des années 30, accompagnée de chômage massif et de misère intense. Enclins à des vues superficielles, la plupart des témoins ne discernaient guère, dans les responsabilités de la catastrophe, ce qui appartenait au capitalisme et ce qui était imputable au libéralisme. Ils ne voyaient pas que le libéralisme, le libre jeu des forces économiques, ne pouvait être mis en accusation que parce qu'il fonctionnait alors à l'intérieur de structures capitalistes. Ce n'était pas la concurrence qui était fautive, mais la loi du profit capitaliste (non point du profit tout court) laquelle faussait et paralysait le libre jeu de~ forces économiques. D'où cette méfiance à ~'égar~ du ~ibéralisme, qui hante les esprits Jusqu a nos Jours. En relisant récemment la Novaïa Ekonomika d'Eugène Préobrajenski, nous nous demandions quels enseignements l'on pourrait bien en tirer pour les structures économiques et sociales de notre Occident, qualifiées elles aussi d' « économies mixtes », puisque des éléments d'économie collective, d'économie capitaliste et d'économie précapitaliste s'y combinent et s'y interpénètrent. Du fait que l'analyse de Préobraj~nski portait sur l'économie de la nep, symbiose d'un secteur étatique et d'un secteur privé 1, et- sur la cir.culation de la valeur entre les deux secteurs, il était légitime de se demander si, en se servant de l'approche méthodolo~ique , 1e ~réobrajenski, il ne serait pas possible d etud1er de plus près les économies occidentales contemporaines. . Or une telle entreprise nous paraît impossible parce que l'économie mixte occidentale de nos jours est foncièrement différente de l'économie mixte soviétique d'il y a quarante ans. Dans celle-ci, le secteur collectif et le secteur individuel existaient côte à côte, très nettement séparés l'un de l'autre, et il était facile de déterminer, comme le faisait Préobrajenski, comment la modification des prix, le mouvement des bénéfices, la différenciation de la f~scalité, la fixation des salaires, la manipulation du monopole du commerce extérieur etc. agissaient sur la répartition du produit na~ionai et des revenus entre les deux secteurs sur la proportion entre fonds de consomm;tion et fo_ndsd'accumulation, sur le rapport entre salaires et profits (soit capitalistes, soit collectifs). t. Celui-cl se subdJvlsant en un secteur capitaliste et un secteur euentlellement pny11nn relevant de l'économie marchande llmple.

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