J. MAURIN Préconisé en 1935, le Front populaire trouva aussitôt un écho favorable dans les secteurs républicains battus au cours des élections de novembre 1933. Dans le parti socialiste, il y avait deux tendances : celle de Largo Caballero, partisan de l'Alliance ouvrière, front ouvrier, et celle de Prieto, qui prêchait P<?Urle Front populaire. Prieto et les communistes se rapprochèrent en 1935, et ce rapprochement eut une influence considérable sur le développement ultérieur de la situation politique. Le Front populaire fut une réussite ·pour le parti communiste, et cela pour plusieurs raisons : 1. Il en avait été l'instigateur ; 2. Il allait occuper un poste de premier plan dans la politique nationale ; 3. Il reléguait au second plan rAlliance ouvrière dont il était l'ennemi ~ 4. Il se libérait de son complexe d'infériorité ; 5. Il obtenait une réprésentation parlementaire à laquelle il n'aurait jamais pu prétendre en raison du nombre réduit de ses adhérents ; 6. Il obtenait son _premier succès après une longue série d'échecs et de frustrations ;_ 7. Il valorisait son importance vis-à-vis de Moscou. .. Après les élections de février 1936, où triompha le Front populaire, les organisations et les partis ouvriers reçurent de nouveaux adhérents en grand nombre. Le parti communiste,- dans son I-listoire officielle, prétend : « De février à mars 1936, ses effectifs [ceux du P.C.] passèrent d'environ 30.000 à environ 50.000. En avril, il comptait déjà 60.000 militants. En juin, 84.000. Et à la veille du soulèvement fasciste du 18 juillet, il y avait dans ses rangs 100.000 militants » (p. 111). Ces chiffres sont notoirement exagérés, p6ur les besoins de l'agitprop. W. G. Krivitski, qui fut un agent secret russe en Espagne, dans son livre : Agent de Staline, attribue au parti communiste environ 3.000 membres au début de 1936. Gerald Brenan, qui a étudié à fond la situation espagnole dans Le Labyrinthe espagnol, donne le même chiffre pour mars 1936. Et Franz Borkenau, dans The Spanish Cockpit, coïncide avec Krivitski et Brenan. Mais supposons même approximativement exacts les chiffres officiels du parti communiste : 30 .000 affiliés en février 1936 pour passer en juillet à 100 .000. D'où venait cet afflux de néophytes communistes ? Du parti socialiste ? Non. Le nombre de ses adhérents était en voie d'augmentation. Du B.O.C. ? Non plus. Celui-ci vit le nombre des siens augmenter considérablement Biblioteca Gino Bianco 11 à cette époque. D'où provenait donc un afflux qui, selon les chiffres officiels, triplait en cinq mois les effectifs du parti communiste ? En période révolutionnaire, il y a toujours une masse politiquement retardataire et fluctuante qui cherche à s'encadrer ·pour Sf protéger, et elle le fait en s'orientant, la plupart du temps, vers le groupement ou l'organisation apparemment le plus extrémiste et le plus fluide. Cette masse mobile, incertaine, forma, dans les premiers mois de la République, la base du parti radical-socialiste. Ce parti obtint 56 députés aux Cortès constituantes de 1931. Aux Cortès élues de novembre 1933, il n'en resta que trois. La masse politiquement instable ,,, . ,, ,, . . . ,, s etalt evaporee ou, ce qui est pue, avait vote pour la droite. En 1936, le parti communiste était en fait une sorte de parti radical-socialiste démagogique. La même masse dépourvue de maturité politique qui, en 1931, avait été radicale-socialiste, devint « co1nmunis te » en 19 36. Entre les radicaux-socialites des Cortès constituantes et les communistes de 1936, il n'y avait pas grande différence : le trait spécifique était le " meme. Acceptons l'affirmation selon laquelle le parti communiste, le 18 juillet 1936, aurait eu dans ses rangs 100.000 adhérents (le P.O.U.M. en comptait environ 10.000). Ces 100.000 communistes, par rapport aux socialistes groupés dans le parti socialiste et l'Union générale des travailleurs (environ 2 millions), et aux anarcho- . syndicalistes de la C.N.T. (environ 2 millions aussi), représentaient donc fort peu : exactement 2,5 % de la population ouvrière. L'importance d'un groupement ou parti ouvrier doit être mesurée par : 1, sa mission ; 2, son histoire ; 3, ses sucèès ; 4, sa force syndicale ; 5, son influence intellectuelle ; 6, sa force numérique proportionnelle ; 7, sa représentation parlementaire ; 8, ses leaders. Voyons ce que, à la n1i-juillet 1936, représentait ces objectifs pour le parti communiste : 1. Sa mission : convertir l'Espagne en une dépendance russe. 2. Son histoire : lamentable, négative. 3. Ses succès : aucun, à part le Front populaire, de caractère purement électoral. 4. Sa force syndicale : nulle. La Confédération générale du travail unitaire fut un échec complet, et, pour le camoufler, le Parti annonça qu'il allait faire la fusion avec l'Union générale des travailleurs. 5. Son influence intellectuelle : nulle. 6. Sa force ouvrière proportionnelle : 2 ,5 % . 7. Sa représentation parlementaire : 16 sièges dans une Chambre de 452 députés, c'est-
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