SUR LE COMMUNISME EN ESPAGNE* par Joaquin Maurin A LA VEILLE de la proclamation de la République, en 1931, et après onze années d'existence, le parti communiste espagnol avait complètement fait faillite. Déçue, l'immense majorité de ceux qui lui avaient appartenu aux temps héroïques et difficiles finit par l'abandonner. Ses anciens membres s'abstenaient de participer à une organisation au service d'un Etat étranger. Le Parti était russe, et non pas espagnol. Dirigé de Moscou, il ne 1:enait que grâce à l'appui matériel de Moscou. Livré à lui-même, il aurait disparu. A l'avènement de la République, le Parti « comptait à peine 800 militants » (Historia del Partido comunista de Espana, rédigée par une commission du Comité central, p. 68, Ed. sociales, Paris 1960 ). C'est avec ce « prestige » et ces « forces » que, le 14 avril 1931, il accueillit la République au cri de : « A bas la République bourgeoise ! Vivent les soviets ! » LA CHUTE de la monarchie et la proclamation de la République furent une surprise pour Moscou. Immédiatement, les dirigeants du Comintern se mirent à l'œuvre pour élaborer la politique qu'il convenait d'adopter en Espagne : Dès les premiers moments, l'attitude des communistes fut celle d'une franch<t opposition au Gouvernement provisoire de la République. Dans son premier manifeste, rédigé en accord complet avec la délégation internationale dont faisaient partie Humbert-Droz (ex-secrétaire de l'Internationale communiste pour les • Extrait de Revolucion u Contrarevoluclon en Eapana, Ed. Ruedo lberlco. Parla 1966. Biblioteca Gino Bianco pays latins) et Rabaté (militant en vue du parti communiste français), on invitait le peuple espagnol à renverser la république bourgeoise, comme on avait renversé la monarchie, et à instaurer un gouvernement ouvrier et paysan. Quelques jours tard, de nouvelles directives politiques et tactiques étaient reçues de Moscou, ayant comme objectif la création de soviets en Espagne. Les forces du parti communiste étaient alors peu importantes puisque ses membres n'atteignaient pas le nombre de 3.000. Ses effectifs syndicaux étaient particulièrement réduits en Biscaye et, sauf dans la région de Séville, dépourvus de valeur appréciable. A Madrid, il y avait une centaine de militants, fort mal organisés et de formation politique très déficiente. En dépit de cette situation, la ligne tracée par Moscou visait à provoquer et soutenir une agitation continuelle, mettant à profit toutes les occasions de fomenter la révolution (José Bullejos, secrétaire général du P.C.E. de 1926 à 1932 : Europa entre las dos guerras, p. 135, Ed. Castilla, Mexico 1945). En mai 1931, la direction du Parti fut appelée à Moscou. Bullejos et Adame, qui la représentaient, se rendirent à la convocation : Pendant plusieurs jours, la Commission politique dont faisaient partie Manouilski, Kuusinen, Piatnitski, Piek, Martinov et Losovski, discuta avec nous la signification historique du nouveau régime et la tactique qu'il convenait d'adopter. En ce qui concerne le caractère de la révolution, la coïncidence n'était pas absolue entre le critère des membres russes de la Commission politique et celui du Secrétariat. Martinov considérait que l'Espagne vivait l'étape de la révolution bourgeoise et que par conséquent les tâches à réaliser ne pouvaient avoir un caractère socialiste, mais démocratique. Manouilski et Piatnitski, sans concrétiser leur pensée, comparaient la situation en Espagne à celle de février 1917 en Russie et pensaient à la création de soviets et d'un gouvernement ouvrier et paysan. Quant aux problèmes tactiques, l'opinion était unanime : prolonger la crise par tous les moyens, empêcher la stabilisation du régime républicain sous sa première forme, puisque cela s'opposerait aux possibilités de progrès de la révolution, enfin inciter à la création de soviets là où l'opportunit~ se présenterait. Bien entendu, dans les premiers temps. ces soviets ne
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