366 Encore le Monde ne donnait-il qu'une faible idée du travail de... séduction accompli sur une large échelle par les multiples institutions et organisations communistes, déclarées ou camouflées, en France et ailleurs, sans -parler de la pénétration clandestine méthodique dont les effets se font sentir depuis des ailllées dans le désarmement intellectuel et moral de la société_ bourgeoise devant les entreprises délétères des continuateurs de Staline. C0 mme pour réfuter d'avance l'argument qui justifie la démission de l'Europe occidentale en prétextant les apparences d'un tournant consécutif à la mort de Staline, le Monde, peu suspect de malveillance envers Moscou, avait observé (21 janvier 1954) peu avant la Conférence des Quatre : « ... La lecture attentive des dernières notes russes, de la presse de Moscou ou des discours de M. Grotewohl conduit à douter que sur les questions essentielles M. Molotov songe à s'écarter sérieusement de la ligne stalinienne». Que l'Europe Molotov de 1954 appartienne à l'héritage de Staline, on pourrait encore le prouver en en retrouvant l'esprit, sinon la lettre, dans des documents diplomatiques de l'année précédente. Mais ce qui importe . surtout, de nos jours, sur la liste si intéressante des trente-deux Etats à rassembler pour leur sécurité collective, outre l'absence de la GrandeBretagne et de l' Irlahde, ce sont les deux mentions bizarres autant qu'étranges : 1, U.R.S.S. (partie européenne) et 2, Turquie (partie européenne), la deuxième servant à rendre la première moins insolite. Il est constant que la Russie, dans l'Union soviétique, s'étend de la mer Baltique à l'océan Pacifique, de BrestLitowsk à Vladivostok. Par quel artifice la partie européenne pourrait-elle entrer dans l'Europe Molotov en se détachant de la partie asiatique? La question restera longtemps sans réponse, mais quoi qu'il en soit, on trouve ici la clef de l'énigme posée par la formule « de l'Atlantique à l'Oural». En effet, « U.R.S.S., partie européenne», cela signifie exactement : jusqu'à l'Oural. L'Europe de l'Atlantique à l'Oural équivaut à l'Europe Molotov, donc à l'Europe voulue ·par Staline, non pas à une Europe rendue possible par la disparition de Staline. Il s'agit de l'Europe continentale sans la GrandeBretagne ni l'Irlande, séparée des EtatsUnis rendus à leur isolationnisme, et où les démocraties débiles, indisciplinées, désunies, concurrentes, perméables aux influences ennemies, relativement sous-armées, privées de la force américaine qui s'avéra indispensable à leur sauvegarde en deux circonstances historiques inoubliables, ne pèseraient pas lourd devant le bloc des Etats rangés sous l'autorité moscovite ou soumis à son influence, et dont les moyens de pression, de sophistication, de truquage et d'intrigue sont inéga- '\. ·Biblioteca Gi o Bianco LE CONTRAT SOCIAL lables, même compte tenu des changements mineurs intervenus depuis le discours secret de Khrouchtchev prononcé d.eux ans après la Conférence de Berlin. Changements dans les formes et les aspects, non quant au fond, et largement compensés déjà par l'entente cordiale de la France avec les régimes à étiquette communiste, ainsi que par les relations d'affaires croissantes entre le capitalisme occidental et le despotisme oriental. De Staline en Khrouchtchev et en Brejnev, avec la patience dans le dessein et la ténacité qui le caractérisent, l'état-major communiste lentement renouvelé par cooptation persévère à prôner son Europe Molotov de l'Oural à l'Atlantique, impliquant le U.S. go· home si bien perçu en 1954 par un correspondant du Monde. Les résultats acquis en France ne sont pas pour infléchir sa ligne de conduite, comme· le prouvent certaines manifestations récentes de la diplomatie soviétique. * * * Le 18 mai 1966, en réponse à une note très conciliante et pacifique du gouvernement de l'Allemagne libre en date du 25 mars, Moscou « une fois de plus» formulait « un programme en huit points qui tend à la réunion d'une conférence paneuropéenne en vue de régler .les problèmes du vieux continent», rapporte le Figaro du 19, ajoutant : « L'U .R.S.S. avec ténacité poursuit une politique qui, singulièrement et de plus en plus, semble se rapprocher des conceptions du général de Gaulle d'une Europe unie, mais non intégrée, de l'Atlantique à l'Oural» (le rédacteur de ce journal ne sait pas que, à l'inverse, de Gaulle en réalité reprend à son compte les conceptions sovié- . tique~. · Le 111 onde du 20 exposait · à son tour : « Le thème l'Europe aux Européens apparaît continuellement en filigrane du document. En reprenant cette proposition d'une conférence paneuropéenne évoquée de nouveau par·M. Gromyko à Rome il y a quelques semaines, et qui s'efforcerait de régler entre Européens, à l'exclusiori des Etats-Unis, le problème de la sécurité sur le continent, les Soviétiques espèrent salils doute trouver un é~ho favorable à Paris. De même, le point cinq (...) doit, dans l'esprit des Soviétiques, rejoindre les vues gaullistes ... » (même remarque que la précédente). On voit que Gromyko à Rome prolongeait en 1966 l'effort de Molotov à Berlin. Le 17 juin, Kossyguine déclare à Helsinki ~ « Poussé pa,r son désir de paix, le gouvernement soviétique a pris l'initiative. de proposer une conférence européenne (...). Le maintien de la paix en Europe intéresse tous les pays européens, qu'ils soient grands ou petits.» Enfin, le 17 octobre dernier, d'après une déclaration soviéto-polonaise, les deux parties « ont
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