360 Afrique. D'autre part, il n'est pas exact que l'Europe soit à l'abri de problèmes analogues à ceux du tribalisme, c'est-à-dire à l'abri de problèmes régionaux, ethniques ou religieux aggravés par des incidences économiques. Du séparatisme catalan à la toute récente élection aux Communes d'un nationaliste gallois, l'Europe connaît bien des particularismes, dont la portée, toujours, dépend du rapport des forces en présence. Particularismes très variés, et présents, sous une forme ou sous une autre, dans presque tous les pays. De ce point de vue non plus, donc, l'Afrique occidentale n'est pas fondamentalement différente de la vieille Europe, de ce point de vue aussi elle ressortit aux leçons de l'expérience politique universelle. Or, en cette matière, la première leçon perceptible, c'est l'extrême .difficulté qu'il y a à résoudre les problèmes posés par les particularismes. Les solutions classiques sont l'oppression et la balkanisation (et l'on remarquera l'origine européenne de ce dernier terme). Les grands Etats sont ceux qui sont parvenus à éteindre les particularismes, mais ils ont plus souvent usé du fer que des séductions de la prospérité, et sous la cendre, parfois, couve un feu q11e certaines circonstances historiques pourraien c ranimer. Le fédéralisme, à coup sûr, est la solution la plus satisfaisante pour l'esprit, c'est-à-dire . en théorie. Dans la pratique on peut se demander si le fédéralisme, dans certains cas, ne contribue pas à entretenir des animosités que le développement économique, à la longue, aurait pu dissiper. Et surtout, il semble que le fédéralisme, là où il a réussi, soit le produit de circonstances politiques exceptionnellement heureuses. Emu par l'échec de la Fédération des Antilles, l'auteur n'a pu se dissimuler la difficulté d'instaurer le fédéralisme et de former des gouvernements de coalition .. Et c'est sans doute pourquoi, en dépit des principes machiavéliens qu'il énonce en divers endroits, il fait appel à la raison et à la foi de la génération montante. Mais la raison et la foi peuvent-elles suffire ? Le hasard crée un système, les avantages que chacun en retire le maintiennent. La raison et· la foi d'un homme ou d'un petit nombre d'hommes peu• vent à la rigueur, dans des circonstances favorables, édifier une construction politique solidement pensée. Il est douteux qu'elles puissent la maintenir si des bénéfices tangibles rie viennent, à très courte échéance, lui apporter le consentement des masses et l'appui intéressé de la classe politique. Quoi qu'il en soit, fédéralistes ou unitaires, les Etats africains font et feront partie intéBiblioteca -Gino·Bianco LE CONTRAT SOCIAL grante de l'expérience politique universell !. Notre hi~toire peut les éclairer, et nous aurons, nous aussi, profit à sµivre leurs aventures et à . tenter de les comprendre. YVES LÉVY. Description - d'une philosophie d'Etat GusTAVE WETTER, s. J. : Le Matérialisme dialectique ( traduction française par F. Ollivier de Der dialektische Materialismus, seîne Geschichte und sein System in Sowjetunion, Herder édit., Vienne). Paris 1962, Desclée de Brouwer, 662 pp. CURIEUSEet certainement significative est l'attirance qu'exerce sur d'éminents penseurs, qui sont en même temps hommes d'Eglise, la philosophie officielle de l'Etat soviétique qu'ils entreprennent de mettre en forme scolastique afin de la mieux situer avant de la censurer. Nous ne parlons pas ici de tentatives de syncrétisme confusioniste qui ont foisonné en· France et dont le dernier et comique avatar est De l'anathème au dialogue. Un marxiste tire les conclusions du Concile 1, ou des considérations sur l' « aliénation » dues au .Père J.-Y. Calvez qui ont involontairement contribué à faire tourner à l'envers un certain nombre de petites têtes, mais d'authentiques travaux scientifiques apportant une contribution utile à l'éclaircissement des idées. Deux véritables monuments ont déjà été érigés, l'un sous la direction du R. P. Bochenski, de l'ordre de saint Dominique, et dont nous avons déjà eu l'occasion de parler 2 ; l'autre, quiA nous occupe présentement, est ' l'œuvre du P. Gustave Wetter, qui fut membre de la .Compagnie de Jésus : l'ouvrage se ·trouve hèureusement en traduction française. Avant d'être critiques, ces travaux sont « objectifs » au meilleur sens du mot, c'est-àdire traitent la philosophie de l'Etat soviétique comme un objet à analyser. La forme scolastique qu'ils lui donnent n'est nullement accidentelle et imposée du dehors, personne ne pouvant nier sérieusement, malgré des protestations réil!érées dans le genre de : « le 1. · L'opuscule de M. Garaudy (1966, 126 pp.) est orné au dos d'une postface de François Mauriac acceptant avec effusion • la main tendue •· 2. Cf. • La scolastique marxiste-léniniste •, in Contrat social, sept. 1961.
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