j 356 LE CONTRAT SOCIAL F Selon Marx, il appartenait à .celui-ci de por- l'énorme réduction des besoins habituels de la ter les forces productives à un niveau permet- cla~se ouvrière, ont joué et jouent le rôle· de tant l'instauration d'un ordre social supérieur. l'un des facteurs d'accumulation socialiste, en Puisque les bolchéviks avaient renversé le capi- ce sens qu'il sera plus facile à la classe ouvriè~e, talisme bien avant qu'il eût pu accomplir sa au terme de ce passé récent, de restreindre ses « mission historique », ils se virent forcés de besoins dans les années où les objectifs de s'en charger à sa place. L' « accumulation pri- l'accumulation socialiste viennent au premier mitive » est, selon Marx, la période où le capi-· plan. » talisme naissant se procure, par le pillage du On se demande dès lors si un tel « sociamilieu précapitaliste où il baigne, les moyens lisme » vaut d'être réalisé et vécu... Mais Préonécessaires -à son développement ultérieur. brajenski. pousse plus loin encore ses visions Après quoi, il a acquis une telle productivité utopiques. Il promet _ en vertu du dogme supérieure qu'il peut accumuler par ses propres de la révolution violente - un sort identique moyens en vertu de ses· lois propres. L'accumu- à toute l'Europe : « Nous ne savons pas à lation primitive se situe ainsi à l'aube de quel degré de ruine sortiront de la guerre civile l'ère capitaliste, et non point à son· crépuscule. les autres pays dans lesquels triomphera la dieD'où il résulte que l'accumulation, si elle est tature du prolétariat (p. 139)... La période primitive, ne peut être socialist e, et que, si d'accumulation socialiste primitive avec ses elle est socialiste, elle ne saurait en aucun cas lois propres sera inévitable non seulement être primitive. La formule ahurissante de pour des pays agricoles arriérés, comme Préobrajenski est la conséquence directe du !'U.R.S.S., mais en partie aussi, vraisemblable- « péché originel » d'octobre 19l7. .,,.. ment, pour l'économie ·socialiste de l'Europe, Préobrajenski passe consciencieusement en dans la mesure où l'économie européenne revue les formes multiples et variées de l'accu- actuelle (même sans parler des destructions mulation capitaliste primitive en se demandant qui l'attendent par suite de la guerre civile) est lesquelles pourraient servir à son accumulation économiquement et techniquement plus faible « socialiste » primitive. S'il rejette le pillage que l'économie de l'Amérique du Nord capitacolonial (Staline et ses successeurs l'ont pra- liste » (p. 176). tiqué de 1945 jusqu'à nos jours), il accepte et recommande toutes les autres : fiscalité et crédit discriminatoires à l'égard du secteur privé, fixation arbitraire des prix par l'Etat, marge entre les prix payés par l'Etat aux paysans et les prix réalisés par ce même Etat dans l'exportation des produits agricoles. « Non seulement, écrit-il (p. 157), le monopole du commerce extérieur place la petite production sous la dépendance de l'Etat en matière de réalisation des excédents, non seulement il amorce le pompage de son revenu par l'accumulation socialiste, mais il apparaît aussi comme un outil important pour obtenir un profit additionnel sur le marché extérieur. » Personne n'échappera à ce « pompage » de revenu, pas même la classe ouvrière au nom et dans l'intérêt de laquelle cet Etat « ouvrier·» est censé fonctionner. « La loi des salaires, écrit Préobrajenski (pp. · 179-80), est subordonnée à la loi de . l'accumulation socialiste, qui trouve son expression dans les restrictions auxquelles se soumet consciemment 3 la classe ouvrière. (...) Il faut aussi remarquer ici que l'effroyable pauvreté de la période de la guerre et de la révolution, 3. Le Guépéou aidant ... BibliotecaGino Bianco ,,. .* * Plus encore que le secteur capitaliste à l'intérieur du pays, Préobrajenski redoute le capitalisme étranger. Contre celui-ci, et contre les marchandises moins chères qu'il pourrait introduire sur le marché russe, il· y a évidemment les droits de douane et le monopole du commerce extérieur, qui maintiennent les travailleurs, supposés maîtres de l'Etat et censés « édifier le socialisme », dans une indigence caractérisée-. L'auteur redoute avant tout le capital étranger à même de s'implanter en Russie à la faveur des « concessions ». Il a peur què· le capitalisme ainsi importé ne « décompose » l'économie étatique de !'U.R.S.S. : « Cette décomposition s~exprimera aussi, entre autres, par le fait que les ouvriers des entreprises capitalistes se trouveront dans· de meilleures conditions matérielles que ceux de l'industrie d'Etat, ce qui aura sans nul doute ses conséquences politiques » (p. 194). Singulier « socialisme » qui ne se sent pas capable d'assurer aux travailleurs les mêmes avantages que le capitalisme... Lorsque, au début des années 30, le chaos créé par la .collectivisation forcée de l'agriculture pouvait laisser prévoir l'effondrement du
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