320 sinologues et commentateurs attitrés de la presse bavarde ont mis en valeur la thèse principale de cet article qui reprend au compte des Chinois staliniens une idée de Boukharine énoncée en 1925, puis introduite dans le programme de l'Internationale communiste en 1928, pour opposer les « campagnes mondiales » aux « cités mondiales », c'est-à-dire les pays arriérés aux grands centres industriels. Mais la théorie restée sur le papier quarante ans plus tôt devient un plan d'action pratique en tant que « guerre populaire » pour Mao et Lin Piao, à notre époque. « Les peuples des autres parties du monde verront (...) que ce que peut faire le peuple du Vietnam, ils peuvent le faire aussi », telle est la phrase-clef du plan d'action chinois signé Lin Piao, et que l'Economist précise en ces tern1es : « La vérité brutale est que (...) la Chine a désigné le Vietnam comme un cas-test pour ce qu'elle proclame être une nouvelle sorte de guerre. C'est une guerre terrestre, menée par des formations relativement petites d'hommes très braves préparés à tenir des années durant avec une tactique d'embuscades et de terrorisme jusqu'à ce que craquent les nerfs de l'adversaire. Ceux qui croient que cette technique de guerre populaire doit être contrecarrée, parce que son but est d'établir une forme de société inacceptable, n'ont pas d'autre choix que de la combattre sur son propre terrain, c'est-à-dire par une guerre terrestre. Ce n'est pas la guerre qu'il faut à la place qu'il faut. Les guerres défensives le sont rarement. Ce n'est pas la sorte de guerre que les Américains seront capables de mener à diverses reprises dans d'autres parties du monde. Mais si elle finit bien au Vietnam, il y aura chance de ne pas avoir à l'entreprendre ailleurs encore. Si la minorité insurgée au Sud Vietnam· échoue à s'emparer du pouvoir par la force des armes, les minorités insurgées en d'autres lieux y réfléchiront à deux fois avant de croire qu'avec Lin Piao, elles auront partie , gagnee. » Ainsi la question est bien posée par l'Economist, qui avait commencé par constater que « les Américains, et seuls les Américains, sont en mesure de faire quelque chose à propos de l'homme-problème des années 60 », du Mao fauteur de guerre populaire. « Dans dix ans, si la Chine est encore trop pauvre pour exporter des armes et des missionnaires, la thèse de Lin Piao sur la révolution de notre temps sera aussi dégonflée que l'ambition démesurée du Nasser des années 50. » Mais une vue optimiste ne peut servir d~ base à une politique. BibliotecaGino Bi·anco LE CONTRAT SOCIAL Les Américains, comme· tous autres à leur place, sont tenus de prendre les projets chinois au sérieux. Ils n'aiment certainement pas cette guerre atroce, mais bon nombre de ceux qui les critiquent ne sauraient désavouer le postulat de la politique américaine, à savoir qu'il importe à présent de tenir la Chine en respect. Ceci admis, il n'y a pas d'alternative, on doit le faire au Vietna~. Le sénateur Fulbright soutient que le Président aurait dû consulter d'abord le Congrès : « L'argument serait de plus grand poids si M. Truman avait consulté le Congrès avant de décider que les Américains devaient défendre la Gr~ce et la Turquie [doctrine Truman] en 1947. » L' Economist interroge les défaitistes de l'espèce Walter Lippmann : « Comment pouvez-vous défendre les parties non communistes de l'Asie à moins d'être prêts à combattre en Asie ? » Ceux qui réprouvent la guerre au Vietnam, mais ne veulent pas non plus d'une vague de guérillas à travers l'Asie, « ont le devoir de se demander : où pensent-ils que cette vague puisse être endiguée ? ». D'aucuns disent que la guerre en cours risque de s'étendre en troisième guerre mondiale : « En un sens, elle est déjà la troisième guerre mondiale. Il n'a pas dépendu des Américains qu'elle soit devenue, un banc d'essai pour les théories de Mao et de Lin Piao. » Et l'Economist, cité ou t7op brièvement résumé ici, termine en questlonnan t les critiqueurs de bonne foi : si vous estimez « que l'Amérique a une responsabilité envers les nations non communistes d'Asie ' vous ne pouvez esquiver la question qui se pose : où suggérez-vous de tenir le coup, sinon en combattant au Vietnam ? ». Il semble probable qu'à défaut de guerre ~u Vietnam, les états-majors communistes en feront surgir une autre ailleurs, ne serait-ce qu'au Proche-Orient où elle sévit déJ'à limitée ' ' au Yémen, non sans l'appui de Moscou à Nas- . ser, et où s'accumule en Egypte, en Syrie, en Irak, en Somalie, un formidable arsenal d'armements~ soviétiques. L'Economist n'envisage pas cette éventualité dont les préparatifs se poursuivent à ciel ouvert. Il faut pourtant regarder la réalité en face et comprendre que le programme communiste, à Moscou comme à Pékin, est une déclaration de guerre au monde libre tout entier, non aux seuls EtatsUnis, gufrre sui generis, sporadique, sur le fond habituel d'inlassables hostilités politiques, et dont les péripéties ne cesseront de surprendre les dupes !ncorrigibles de la « coexistence pacifique » inventée par Staline. B. Souv ARINE.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==