344 que sa participation à la victoire a donné à l'Union soviétique, le développement industriel de !'U.R.S.S., apparemment confirmé depuis par ses succès astronautiques-, a fait forte impression en Occident, et la planification est apparue comme la meilleure méthode de croissance économique accélérée. C'est çlonc cette méthode-là qu'on a essayé de transposer ou dont on a conseillé la transposition dans les pays sous-développés, notamment en Afrique. Depuis que les esprits retrouvent un peu de liberté et d'audace à l'égard du communisme et aussi de la « décolonisation », la méditation de la réalité soviétique· et l'observation de la situation africaine ont incité plus. d'un pianiste à apporter de sérieuses retouches à son idée première. De l'étude critique de l'économie soviétique on peut tirer, en ce qui concerne la ·planification, trois enseignements principaux. Elle montre que les désordres et les gaspillages de l'économie planifiée peuvent être aussi grands et plus grands, aussi nombreux et plus nombreux, que ceux de l'économie de marché, et qu'ils sont sans doute, moralement, moins supportables, car ils apparaissent bien plus directement comme le fait des hommes, le résultat d'une mauvaise administration, au lieu de découler du jeu de « lois naturelles ». Cette étude prouve aussi que le marxisme ne comporte pas de théorie véritablement originale du développement et que, pour constituer les capitaux dont toute économie a ·besoin, pour créer des usines, pour investir, les planificateurs communistes n'ont pas trouvé d'autres moyens que de systématiser les procédés que Marx avait attribués soit aux « précapitalistes » du· temps de l' « accumulation primitive », soit aux « capitalistes » avides de « profit », de « plus-value », des débuts de l'ère libérale. Autrement dit, la planification ne supprime pas les prélèvements sur les produits du travail, l'exploitation de l'homme par l'homme. Non seulement elle ne les supprime pas, mais elle ne les allège pas, elle les aggrave au contraire - et l'on n'est même pas sûr que· cette aggravation soit le résultat d'une espèce de condensation dans un court laps de temps d'injustices ou de souffrances qui furent ailleurs étalées sur une plus · longue période, qu'elle soit en quelque sorte la rançon de la vitesse, - car il y a une large part d'illusions dans l'idée, trop facilement admise, selon r laquelle les communistes, en U.R.S.S., ont fait plus vite. BibliotecaGino Bianco DÉBATS ET ~CHERCHE$ ,Enfin il est prouvé que l'impulsion économique qui vient d'e~ haut, si elle témoigne d'une efficacité suffisante quand il s'agit de la production lourde, s'avère incapable de la souplesse nécessaire pour prévoir tous les besoins de la vie quotidienne et pour les satisfaire. En effet, l'économie planifiée a supprimé, d'une part, la sollicitation du consommateur sur la production, puisqu'on y produit non pour répondre à la demande, mais pour remplir les objectifs fixés par le plan, d'autre part, l'impulsion donnée par la « soif de profit » qui incite l'entrepreneur à découvrir les besoins latents et à s'efforcer de les satisfaire afin de se faire une clientèle. Le résultat, c'est que !'U.R.S.S. est un pays où l'acier se gaspille par milliers de tonnes, ✓ mais où la lame de rasoir et l'a1guille sont des denrées rares. - P~anification et développement PLUS COURTE, mais plus décevante encore, une autre expérience est en ·train de semer le doute sur les vertus. de la planification,. un moment conçue· comme la panacée à ce mal qu'est aujourd'hui, à nos yeux, le sous-développement, l'arriératioµ économique ; c'est celle _q. ui se déroule dans ce qu'on appelle si sommairement le tiers monde, notamment dans les pays d'Afrique. Fatigués de porter ce « 'fardeau de l'homme blanc » dont parlait Kipling, les Européens· n'ont pas seulement abandonné les Africains à eux-mêmes, ils les ont nantis d'idées qui, sans être entièrement fausses, n'ont, appliquées à l'Afrique, à peu près aucune vérité. D'innom:- brables professeurs et experts de toutes sortes ont à grand frais établi des plans de développement économique pour chaque pays d'Afrique et, finalement, ils se sont aperçu que ce qui fait déf~ut avant tout, c'est l'élan producteur, c'est le goût et le besoin de produire · pour vendre, de produire des denrées autres que celles dont on a besoin pour soi-même, de p~odui!e pou; un client lointain et sans figure; disons vulgairement les choses : de produire. pour gagner de l'argent. Tout ce qu'on a tenté jusqu'à présent a échoué parce qu'on s'est heurté à ce manque d'élan producteur, à cette inertie économique~. et parce que la planification ne possède pas le secret d'e secouer cet état d'esprit, bien au contraire. Autrement dit, l'activité économique n'a pas des fondements psychologiques aussi forts aussi profonds qu'on avait fini par l'imagine/
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