Le Contrat Social - anno X - n. 6 - nov.-dic. 1966

C. HARMEL partisans et par les circonstances dans lesquelles ils ont conçu, formulé et propagé le planisme. Socialistes anticapitalistes, ils voulaient supprimer un système économique dont l'élément moteur était la recherche du profit, lequel, selon l'analyse marxiste, ne peut avoir d'autre source que l'accaparement d'une partie de la valeur créée par le travail. Outre l'exploitation de l'homme par l'homme - ·pour reprendre l'expression saint-simonienne - les socialistes reprochaient à l'économie de marché ses désordres, ses gaspillages, en particulier ses crises qui entraînent la mévente, le chômage, la disparition des entreprises les moins résistantes, c'est-à-dire l'anéantissement du travail investi dans leur équipement. D'autre part, c'est pour aider le capitalisme à sortir de la grande crise économique de 1929-34 que les premiers plans furent conçus. Or cette crise frappait les esprits par son ampleur et, si l'on peut dire, par son caractère définitif. Il semblait que l'on fût arrivé à un terme, que la production avait atteint, sinon son plafond, du moins un niveau si élevé qu'elle ne posait plus de problèmes. Nous étions déjà, quant à la production, dans une économie de l'abondance, l'appareil productif étant en mesure de fournir assez pour satisfaire les besoins matériels de tous les hommes. Le problème principal, presque unique, était un problème de répartition. On pouvait penser qu'on était parvenu, au moins dans un grand nombre de secteurs, au moment prévu par Marx où le capitalisme aurait accompli sa mission historique, à savoir l'industrialisation de la société, la création d'un appareil de production suffisant pour assurer la satisfaction de tous les besoins humains, mais inapte à fonctionner plus longtemps sous la loi du profit. On comprend que des hommes ayant cette conviction aient tenu pour secondaire, sinon négligeable, la question de l'impulsion économique. Ils auraient volontiers repris à leur compte le mot qu'avait prononcé cinquante ans plus tôt l'introducteur du marxisme en France, Jules Guesde : « Aujourd'hui, il ne s'agit plus de déchaîner les forces productives. » Sans doute auraient-ils aisément convenu, surtout ceux qui étaient marxistes et se souvenaient de l'apologie faite par Marx des réalisations économiques du capitalisme ( « de tout autres merveilles que les pyramides d'Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiBiblioteca Gino Bianco 343 qut:s » ), que l'Etat montrerait moins d'élan créateur, moins de fougue novatrice en fait de production que les capitalistes, industriels et commerçants. Mais cela ne constituait pas uP obstacle à leurs yeux parce que dans certains secteurs tout au moins, l'appareil productif avait été porté, grâce au capitalisme, à un tel point de puissance et de perfection qu'il n'appelait plus de développements importants, qu'il avait en quelque sorte achevé sa croissance et qu'on pouvait le mettre au régime de la ration d'entretien. Cette affirmation risque, elle aussi, de sembler excessive aux yeux de qui conçoit la planification comme une méthode de développement industriel, de croissance économique. Il est vrai pourtant que les premiers planistes professaient une conception très différente. On ne déforme pas la pensée d'Henri de Man et de ses disciples si l'on écrit que, selon eux, devait demeurer dans le secteur privé - par opposition au secteur d'Etat - toute la partie de l'économie encore susceptible d'évoluer, de croître, dans laquelle il fallait encore inventer, créer, entreprendre, pour laquelle on avait encore besoin du génie inventif du capitalisme. Quant au secteur d'Etat, il serait pour l'essentiel un secteur statique, où il s'agirait moins d'innover que de gérer, d'administrer, où l'on n'aurait plus des « entreprises » au sens plein du terme, mais des « services ». Une fois connu cet état d'esprit, on s'étonne moins de la définition qui fait du planisme une gestion de l'économie par l'Etat, sa « fonctionnarisation », une espèce de patronat d'Etat universel, et non seulement une intervention de l'Etat dans l'économie. On s'étonne moins également que les socialistes « libéraux » et les syndicalistes promoteurs du planisme aient été peu sensible~salors à son caractère coercitif. Comme il s'agissait à leurs yeux, non de stimuler la production, mais de mieux distribuer les richesses, de répartir plus justement le revenu national, la coercition entrevue se serait exercée non sur les travailleurs, mais sur les « possédants », éventualité à laquelle, si peu révolutionnaires qu'ils fussent, leur sensibilité était préparée. L'expérience soviétique CES AFFIRMATIONS peuvent paraître paradoxales parce que, la planification étant devenue, comme on dit, « la doctrine généralement admise », c'est à elle le plus souvent que l'on demande la solution des problèmes du développement. A la suite de la guerre et du prestige

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