B. RADITSA de l'Occident et pour être davantage soucieux de productivité que de doctrine communiste. Le succès de la réforme économique est, en outre, compromis par les rapports de cette dernière avec le conflit des nationalités. L'écrasante majorité des communistes slovènes et croates s'est prononcée en faveur de la réforme. Ils aspirent à renforcer les liens économiques avec l'Europe occiélentaleet parlent même d'inviter le capital occidental à investir dans le développement industriel du pays. Les communistes serbes, de leur côté, se méfient de la réforme, précisément parce qu'ils pensent que le transfert des ressources d'investissement de Belgrade vers les républiques fédérées affaiblira la mainmise des Serbes sur le pays et pourrait encourager en fin de compte une sécession de la part des Croates et des Slovènes. Pour cette raison, de nombreux communistes serbes de haut rang ont freiné le mouvement ou même cherché à saboter la réforme, ce qui a incité Tito à les accuser de violer le principe léniniste sacro-saint du « centralisme démocratique » qui veut que tous les membres du Parti exécutent les directives quand bien même ils ne les approuvent pas: La rébellion a atteint le point où Alexandre Rankovitch, communiste serbe le plus en vue et depuis longtemps chef de la police secrète, a mis en garde le Comité central contre une poussée alarmante de chauvinisme en Serbie.. Car « il est franchement absurde et fort nuisible », a-t-il dit, que les Serbes « cherchent à imposer le centralisme ». Contrairement à la plupart des autres partis communistes d'Europe orientale, le P. C. yougoslave a conquis le pouvoir pendant la deuxième guerre en grande partie grâce à ses propres forces. Le fait qu'il ait prôné le fédéralisme ainsi que « la fraternité et l'union » des nationalités yougoslaves, à couteaux tirés entre elles, explique dans une large mesure la victoire des partisans conduits par les communistes dans la guerre civile. Les communistes soutenaient que les âpres conflits, qui ont engendré de terribles massacres fratricides durant la deuxième guerre mondiale, étaient dus au « capitalisme bourgeois » : une fois établi l'ordre économique socialiste, les antagonismes nationaux disparaîtraient. Or, aujourd'hui, lesdits conflits ont repris de plus belle ; pour reprendre un mot de Tito, « ils sont même devenus plus violents qu'auparavant ,., allant jusqu'à contaminer le Parti luimême. « De telles aberrations étaient, dans Biblioteca Gino Bianco 261 une certaine mesure, compréhensibles dans les premières années [du pouvoir communiste] », poursuivit Tito. « Mais qu'elles se manifestent après vingt années et que le chauvinisme soit en pleine ascension, c'est de notre faute et c'est la preuve de notre manque de vigilance. » Tito a été bouleversé de voir les communistes serbes ou croates réagir essentiellement en nationalistes et non pas en internationalistes marxistes. Avec tristesse, Tito a avoué que le VIIP Congrès du Parti, en décembre 1964, bien que préoccupé essentiellement par la croissance des conflits de nationalités, n'avait pas réussi à résoudre l'antagonisme entre communistes serbes et croates. Depuis sa fondation même, en 1918, au Ier Congrès de Varazdin, en Croatie, le parti communiste a été tourmenté par ce même problème. Au début, sous la direction de Sima Markovitch, un Serbe, le Parti s'est voué nettement au centralisme et, en secret, à la doctrine suivant laquelle la Yougoslavie , . . . . . eta1t une nation unitaire. Plus tard, dans les années 30, lorsque la direction passa aux mains du Croate Tito, le Parti dénonça le centralisme et prôna la création d'un Etat fédéral. En conséquence, la Constitution reconnaît la Yougoslavie comme un Etat multinational : en 1945, le pays fut divisé en six républiques, avec une entité politique distincte pour les Serbes, les Croates, les Slovènes, les Macédoniens et les Monténégrins, sans compter une région autonome à l'intérieur de la Serbie pour un million d 'Albanais. Avant de prendre le pouvoir, le P. C. yougoslave tirait son principal soutien des régions périphériques, des petites collines du Monté négro, des populations de nationalités bigarrées de Bosnie et des Croates de Dalmatie, irrités d'avoir été incorporés à l'Italie par Mussolini en 1944. Jusqu'à la fin de la guerre, en 1945, les communistes étaient relativement faibles en Serbie proprement dite et ils craignaient,' cela se comprend, de s'aliéner les Serbes si la capitale de la Yougoslavie n'était plus Belgrade. Mais à Belgrade, le gouvernement fédéral tomba de plus en plus sous l'influence des Serbes, et par son centralisme militant suscita le ressentiment des autres groupes nationaux. En conséquence, au lieu de devenir un Etat entièrement nouveau - avec sa capitale, par exemple, à Sarajevo, - la Yougoslavie communiste ressemble toujours davantage à la vieille Yougoslavie royale dominée par les Serbes. Et aujourd'hui, les communistes croates et slovènes sont en antagonisme avec Belgrade la communiste, tout comme avant la guerre les ,,. r
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