Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

LE TITISME A L'ÉPREUVE par Bogdan Raditsa L A CRISE PERMANENTE du communisme yougoslave, longtemps contenue ou atténuée, a maintenant éclaté au grand jour de manière tumultueuse dans une suite extraordinaire de réunions du Comité central de la Ligue des communistes. Convoquée dans une atmosphère morne à la fin de février, la session initiale donna lieu à un violent désaccord entre communistes « réformistes » et communistes plus doctrinaires ; d'où un ajournement pour rechercher la conciliation. Le Comité central se réunit de nouveau au début, puis à la fin du mois de mars : les problèmes • complexes concernant l'économie et les nationalités dans lesquels le Parti se débat ne trouvèrent toujours pas de solution. Et voilà que le Comité central se réunit derechef, cette foisci, dit-on, pour examiner les propositions du président Josip Broz Tito destinées à mettre fin au monopole du Parti sur l'administration en confiant le rôle dans les affaires à des fonctionnaires élus et à des techniciens. Si elle était consommée, cette réforme serait une victoire spectaculaire pour la fraction révisionniste conduite par Vladimir Bakaritch, secrétaire général du Parti en Croatie, qui a en quelque sorte ouvert la crise en se faisant, il y a deux ans, l'avocat de certaines mesures du même ordre. Mais les problèmes sont trop graves, Tito est par trop vieux et trop équivoque, et l'opposition reste trop forte pour que la réforme soit effectivement mise en œuvre dans un proche avenir. En attendant, les conflits latents ne vont faire que s'envenimer. Tito a franchement reconnu la gravité de la situation dans un discours prononcé à rune des réunions précédentes du Comité central. Le chômage et le cotît de la vie augmentent, Biblioteca Gino Bianco a-t-il fait remarquer, tandis que le séparatisme croissant des Croates, des Serbes, des Slovènes et des Macédoniens menace de diviser l'Etat. Sans les désigner nommément, il a pris à partie certains membres des « plus hautes sphères du Parti » pour avoir saboté le dernier programme économique, lancé en juillet dernier afin de stabiliser l'économie en comprimant les nouveaux investissements et en fermant des centaines d'usines dont le rendement était déficitaire. Héros de la guerre des partisans et, par la suite, de la révolution qui dure depuis plus de vingt années, Tito, à soixante-quatorze ans, a du fil à retordre avec ses partisans querel- · leurs. Bien que sa personnalité charismatique soit depuis longtemps le meilleur atout national et international de la Yougoslavie, la légende est en train de succomber devant la réalité présente : un dictateur âgé et malade aux prises avec une foule de problèmes qu'il ne réussit pas à résoudre et qui est même l'objet de plaisanteries vulgaires. L'histoire ~uivante fait aujourd'hui le tour des restaurants et des terrasses de cafés : Tito va obtenir le prix Nobel de chimie pour avoir transformé le dinar en « crotte ». En effet, après avoir subi, l'année dernière, deux dévaluations (passant de 750 à 1.250 pour un dollar), le dinar se vend actuellement, au marché noir, sur la base de 2.000 pour un dollar. Depuis 1952, lorsque le Vic Congrès, sous la direction idéologique de Milovan Djilas, rompit nettement avec le stalinisme, le Parti n'avait pas éprouvé pareilles dissensions, pareils tâtonnements, pareille confusion ; toutes chqses qui se reflétèrent dans le discours de Tito devant le Comité central. Avouant carrément ,.

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