312 _toujours les deux peuples n'avaient jamais cessé d'éprouver au fond d'eux-mêmes une réciproque sympathie, la conscience de leur solidarité naturelle à l'égard des ambitions de l'Allemagne, le sentiment que leurs intérêts essentiels, du moment qu'ils étaient conformes aux ·droits des peuples et à l'équilibre, n'étaient en rien , opposes. C'est dans cet esprit que fut orientée la politique française, dès lors qu'en 1941 l'agression allemande jeta la Russie dans le même camp que nous-mêmes. Les relations diplomatiques et militaires furent aussitôt établies entre le gouvernement de Moscou et le gouvernement de la Libération siégeant à Londres, puis à Alger, enfin à Paris. Dès 1941., la participation de la marine française libre aux durs convois de l'océan Arctique, la présence sur le front russe dès 1942 du régiment d'aviation Normandie, seule unité occidentale qui combattît parmi nos alliés de l'Est et qui fut d'ailleurs armée et équipée par eux, symbolisaient nos intentions. En décembre 1944, la visite que je fis moi-même à Moscou, en coJ;npagnie du· ministre des Affaires étrangères, au généralissime Staline et à son gouvernement, et le pacte qui fut signé à cette occasion quant à l'action commune de la France et de la Russie à l'égard de l'Allemagne, ne répondaient pas à une autre inspiration. Mais aujourd'hui une lourde inquiétude plane sur notre pays. En fait, les deux tiers du continent se trouvent dominés par Moscou. Je ne chercherai pas à développer ici dans quelle mesure une politique qui, à Ialta, tenta de régler hâtivement le sort de l'Europe sans l'Europe, et en particulier sans la France, en dépit des protestations du gouvernement de Paris, a pu contribuer à cette situation. Les choses maintenant sont ce qu'elles sont, c'est-à-dire fort alarmantes. Ce bloc de près de 400 millions d'hommes borde maintenant la Suède, la Turquie, la Grèce, l'Italie ! Sa frontière n'est séparée de la nôtre que par 500 kilomètres, soit à peine la longueur de deux étapes du Tour de France cycliste ! Il écrase, à l'intérieur de lui-même, toute opinion et toute action qui ne seraient pas complètement soumises à ses dirigeants, tandis qu'il dispose dans tous les ·pays libres de groupements à sa dévotion. Que d'autres cherchent à se tromper eux: mêmes sur la menace que pourrait demain représenter pour notre pays une pareille aggloBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL mération menée par un pareil système ! Mais nous, qui ne rusons jamais avec la liberté des hommes ni avec l'indépendance de la France, nous disons que cet état de choses risque de mettre tôt ou tard l'une et l'autre dans le pire danger ... Discours du général de Gaulle à Vincennes, le 5 octobre 1947 Nous SOMMES UN PAYS MENACÉ. Sur • • • les deux tiers de l'Europe s'étend une seule et même domination. De cette masse énorme de terres, de ressources, de populations que dirige implacablement la dictature soviétique et qui ne cesse de peser vers l'Ouest, la France n'est plus séparée que par des marches étroites. Encore au milieu de nous, le parti des séparatistes, noyautant toutes les branches de l'activité nationale, cultivant la confusion, ameutant les mécontents,· trompant les naïfs, effrayant les poltrons, caressant les vaniteux, déploie une activité insolente et multiforme pour servir en tout et toujours les querelles des dictateurs de l'Est. Au-delà de l'Atlantique, les Etats-Unis, il ·est. vrai, dressent leur puissance intacte en contrepoids ·des ambitions mondiales des Soviets.· Il n'y a pas dans le monde un homme libre qui ne tienne pour salutaire cette volonté américaine. ·Notre peuple en particulier sent bien que, dans le monde tel qu'il est, il y a là pour lui-même -une garantie qui, pour être indirecte, n'en est pas moins essentielle. Mais la France n'en est pas là qu'elle doive s'en remettre de son propre destin à ce qu'il adviendra de la rivalité des autres. Il faut qu'elle se redresse elle-même, qu'elle remette .debout ,dans toute la profondeur de l'Union française l'organisation et les moyens de sa défense nationale, qu'elle prenne la tête. d'un groupement des Etats qui, à l'Occident de l'Europe, se trouvent comme elle affaiblis mais qui, en conjuguant leurs ressources, constitueraient un élément capable de peser lourd dans la reconstruction du monde et la sauvegarde de la liberté. Mais si elle devait demeurer· en état chroQique de crise matérielle et morale, alors elle ne· serait bientôt plus dans la paix qu'un jouet disloqué que se disputeraient les concurrents du dehors, et, le cas échéant, dans la guerre, qu'un objectif impuissant p'our l'invasion des uns et les bombardements des autres ...
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