258 c'est parce qu'ils protègent l'Europe occidentale et les autres régions du globe menacées par l'impérialisme communiste. Mais les déclarations solennelles de tous les pouvoirs et partis communistes solidarisent explicitement les grands pays démocratiques. Citons quelques lignes de cette prose éc-œurante : « L'impérialisme américain, avec la participation des impérialistes d'Angleterre, de France et d'Allemagne occidentale, a entraîné de nombreux pays dans des blocs militaires ( ...). Les forces impérialistes des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France ont conclu un marché criminel avec l'Allemagne occidentale... ». Etc. (la Documentation française, Notes et études documentaires, n° 3914 du 31 juillet 1963). Qui ose voir là une différence .avec la politique extérieure de Staline ? Il n'est donc pas vrai qu'un changement imaginaire dans ·l'animadversion communiste vis-à-vis de l'Occident puisse motiver le séparatisme pratiqué par la France à l'égard de l'alliance atlantique. Il faut chercher ailleurs les raisons de ce divorce contre nature et des travaux d'approche vers une entente cordiale avec l'Est. On les trouve, ces raisons, dans la récente publication aux Etats-Unis d'un mémorandum destiné à une sous-commission du Sénat, et qui rend compte d'échanges de vues entre Paris, Washington et Londres sur la réforme éventuelle de l'O.T.A.N., ou Organisation du traité de l'Atlantique-Nord. De la correspondance entre les chefs d'Etat, il appert qu'en 1958 de Gaulle ·avait proposé à Eisenhower l'institution d'un organisme triparti « au niveau de la politique et de la stratégie mondiales », comprenant les Etats-Unis, l'Angleterre et la France, à défaut de quoi la France « subordonnait le développement de sa participation à l'O.T.A.N. (sic) à la prise en considération de ses propositions ». De Gaulle estimait alors, dès 1958, que « l'O.T.A.N., dans sa forme actuelle, ne répond plus aux besoins de la sécurité française, car la France a des responsabilités dans beaucoup de régions du monde ( ...). La situation mondiale ne justifie plus que l'on délègue aux Etats-Unis le pouvoir de prendre les décisions concernant la défense du monde libre. » C'est assez clair. Pas un mot sur le moindre changement dans le communisme. Au contraire, il s'agit toujours de « la défense du monde libre » ( menacé par qui ?). La réponse d'Eisenhower dit que « no~s ne pouvons nous permettre d'adopter un système qui donnerait à nos autres alliés, ou aux autres pays du monde libre, l'impression que les décisions de base touchant leurs intérêts Biblioteca Gino Bi-anco LE CONTRAT SOCIAL vitaux sont prises sans leur participation ». Elle prévoit· de sérieux problèmes à résoudre « si l'on tente de modifier le traité de l'Atlantique-Nord pour étendre son domaine à des zones qu'il ne couvre pas actuellement ». Et elle admet qu'il y ait lieu de poursuivre les consultations pour faire face « à des conditions changeantes ». Ainsi la codirection politiqùe et militaire de l'alliance atlantique était seule en cause. Au cours des deux années suivantes, une singulière controverse entre Paris et Washing- . ton traîna en longueur sans aboutir à aucune conclusion. D'après la documentation rendue publique, il y eut des entretiens diplomatiques à trois, des propositions et contrepropositions de part et d'autre, des lettres restées sans réponse, des décisions laissées sans suite. Estil vrai que Paris n'aurait pas -répondu à une suggestion de Washington tendant à conférer sur les questions intéressant spécialement la France? Que de Gaulle aurait eu, en 1960, avec Eisenhower, des conversations pour ne rien dire, puis un échange de lettres sans résultat ? Que deux ans plus tard, des invites de Kennedy à délibérer entre militaires des trois pays intéressés furent acceptées en principe du côté français, mais non réalisées en pratique ? Il semble, à en croire un compte rendu très confus du New York Times, que le mémorandum de M. Dean Rusk soit incomplet et, en outre, contredit sur certains points par un autre document, non publié, d'après lequel Kennedy se serait abstenu de répondre à deux lettres envoyées en 1961 par de Gaulle. Celui-ci, en 1959, aurait même protesté quand Eisenhower, sans le consulter, invita Khrouchtchev aux Etats-Unis, ce que révèle le journal de New York dans un grand désordre chronologique (cf. le Monde du 16 août et le New York Times du 29 août 1966). On doit espérer que ce déballage finira par la publication en Frgnce d'un Livre blanc correct. et sans lacunes. Toujours est-il que ce conflit dont l'issue est à présent un malheureux fait accompli n'entre pas dans notre dém~nstration, cette fois, sauf sur un point désormais bien mis en lumière : la rupture de la France avec l'O.T.A.N. et la campagne d'information, de déformation, de diffamation menée en France contre l'Amé- . tique et les Américains ne tiennent nullement à de prétendus changements constatés dans la politique des Empires communistes, elles découlent du désaccord datant de 1958 sur la création d'un triumvirat directorial à la tête de l'alliance atlantique. C.Q.F.D .. B. Souv ARINE.
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