Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

Documents DE GAULLE ET LE COMMUNISME LA POLITIQUE EXTÉRIEURE de la France est, depuis plusieurs années, en voie de réaliser un revirement complet qui, sans se définir encore comme un renversement des alliances, n'en équivaut pas moins à l'esquisse d'un tel état des choses. En politique intérieure aussi, ce revirement s'affirme sans ambages, sous réserve de subalternes compétitions électorales qui n'affectent pas l'orientation essentielle. Le communisme façonné par Staline et à peine amendé par ses successeurs est officiellement considéré comme une théorie et surtout une pratique des plus légitimes et respectables, voire imposées par le « sens de l'histoire», en harmonie avec les intérêts nationaux désormais mieux compris que dans leur acception traditionnelle. Les deux principales forces politiques qui rivalisent en France ne s'accordent implicitement que pour s'entendre, chacune à sa manière, chacune pour sa part, avec les communistes de l'école stalinienne. Les rares voix isolées qui tentent d'élever des objections là-contre sont presque inaudibles au public, couvertes par la clameur de la doctrine et de la propagande officielles que renforcent toutes les tribunes écrites ou orales, bénévoles ou mercenaires. La bourgeoisie décadente, égoïste et bornée, multiplie les avances à ses fossoyeurs, justifiant le mot apocryphe de Lénine sur les marchands empressés à lui vendre au meilleur prix de la corde qui doit servir à les pendre. En guise d'apologie, les tenants de cette palinodie stupéfiante affirment sans preuve, sans le moindre argument sérieux à l'appui, et contre toute évidence, que « le communisme a changé» et qu'en conséC(uence il importe de réviser la ligne de conduite « occidentale» à son égard. On ne précise point en quoi consiste le changement ni en quoi, réel ou imaginaire, il remet en question la politique intérieure et extérieure de la France au point de corriger la table des valeurs morales et politiques jusBiblioteca Gino Bianco qu'à substituer à l'ennemi potentiel un allié de toujours. Tout se passe comme si la France et l'Europe occidentale, naguère sous le coup d'un certain danger, voire d'un danger certain, se trouvaient maintenant en sécurité définitive du côté de l'Empire communiste, le seul sujet d'inquiétude présent et futur étant désormais représenté par les Etats-Unis d'Amérique. Quant à la nature du danger communiste évanoui, il est admis en haut lieu qu'elle s'incarnait eri un Staline belliqueux et impérialiste auquel ont succédé des héritiers pacifiques et raisonnables, décidés à ne plus se mêler des affaires d'autrui, cependant que les partis communistes à la dévotion du tyran disparu se seraient convertis en partis « comme les autres». Tout cela est faux de a jusqu'à z, mais l'opinion publique déconeertée se laisse circonvenir d'autant plus aisément que la paix pourrie par Staline après la guerre pourrie par Hitler ne favorise pas précisément l'esprit critique ni la fidélité aux principes. En vérité, Staline n'a jamais été une menace militaire envers l'Europe occidentale protégée par la force américaine : depuis 1947, donc .depuis vingt ans, nous en avons fait maintes fois la démonstration et les faits n'ont cessé de confirmer nos vues. Il fut le théoricien et promoteur de la prétendue « coexistence pacifique», c'est-à-dire de l'hostilité systématique des Etats soumis à son pouvoir ou à son influence envers les pays plus ou moins libres de s'y soustraire, hostilité excluant toute guerre ouverte avec une puissance de taille respectable. Ses successeurs ne font que continuer la même politique de pression, de harcèlement et de chantage, avec des variantes de circonstance où l'on aurait tort de voir une évo!ution là où n'apparaissent en réalité ~ue des aspects de la tactique. Quant aux partis communistes, nul n'a mieux défini leur nocivité que le général de Gaulle dans un discours prononcé à Rennes

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