Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

306 Mais, à supposer que les priorités soient · cohérentes, la deuxième difficulté réside dans le choix des variantes. Il importe de savoir si, compte tenu des priorités choisies, on peut arriver avec les méthodes actuelles à calculer des variantes optimales. Ce point ayant déjà été traité par le professeur Nove, je me bornerai à rappeler que l'utilisation des balances matérielles et le calcul en données physiques rendent délicats les ajustements d'un secteur à l'autre ; il est extrêmement difficile de mesurer les effets indirects de ces ajustements. Prenons un cas concret : supposons que, dans la balance « coton », il soit impossible de satisfaire la demande des industries textiles en tissus et que l'accroissement des investissements dans la production cotonnière ne puisse entraîner un accroissement rapide des ressources, on sera ame- · né à ajuster la balance « fibres artificielles » par suite du déficit de la balance « coton ». Il s'agit ici d'une relation directe, mais cet ajustement va entraîner des effets indirects : il faudra davantage de charbon pour produire les fibres artificielles, etc. Toutes ces balances sont « fonction » les unes des autres ; or il est extrêmement difficile, par le mécanisme des balances matérielles, de calculer des fonctions du deuxième, troisième, niemedegré tant que les planificateurs ne disposent pas de tables d'input-output et de calculatrices électroniques en termes financiers qui permettent de résoudre des équations du niemedegré. Autre source de gaspillage, l'extrême difficulté qu'il y a à prévoir l'évolution du plan ; on est donc entraîné à des ajustements continuels et ceux-ci, au lieu de tenir compte des calculs d'optima, se font en termes de priorités. Autrement dit, lorsque les ressources sont insuffisantes dans un secteur prioritaire, on les bloque en totalité sur celui-ci,. au risque de laisser en suspens les objectifs secondaires, au lieu de se livrer à des calculs pour savoir comment répartir au mieux les ressources entre objectifs prioritaires et secondaires. Le système actuel d'ajustement entraîne inévitablement des gaspillages, le fait de vouloir donner pleine. satisfaction aux objectifs prioritaires risquant d'entraîner des pertes considérables dans les secteurs secondaires. Au niveau de la micro-économie, on retrouve, comme source de gaspillage, l'incompatibilité de certains objectifs. Le chef d'entreprise doit privilégier tels critères aux dépens de tels autres. Selon les cas, il préférera la réalisation du plan en valeur, en sacrifiant l'assortiment, ou bien il donnera la priorit~ à la réalisation Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE du plan de profit ou de prix de revient, au détriment de la qualité. Mauvais ajustement et gaspillage encore dans la tendance à minimiser les capacités et à surestimer les besoins. Afin de réaliser plus facilement le plan, le chef d'entreprise n'utilise pas à plein les capacités de son appareil de production; souvent aussi il conserve des stocks exagérés pour se garantir contre les à-coups de l'approvisionnement. C'est pour s'efforcer de corriger ces défauts que Liberman a proposé un intérêt sur les « fonds productifs », de manière à éviter le gaspillage des capitaux. Enfin, le chef d'entreprise n'est pas toujours disposé à moderniser ses techniques, car tout progrès entraîne des coûts élevés et un ralentissement dans la production durant la période de démarrage, de sorte que les innovations ne se généralisent pas aussi vite qu'il apparaît en théorie. En U.R.S.S., le temps qui s'écoule entre le moment où un projet sort des bureaux d'études et celui où il parvient à la chaîne de fabrication est, sauf exception, plus long qu'en Occident. Est-il possible de mesurer en termes quantitatifs l'inefficacité « relative » du système ? Dans la première partie, nous avons montré que la croissance soviétique a été assez exceptionnelle, mais nous avons souligné ensuite qu'elle ne s'est pas faite au moindre coût : elle a entraîné d'importants défauts d'ajustement des ressources. On a trop l'habitude de mesurer cette inefficacité en termes de productivJ.té, c'est-à-dire en faisant 1e rapport des - quantités produites et du nombre d'ouvriers employés dans une branche donnée. Ces comparaisons, basées sur la productivité relative, ne sont pas significatives, car elles ne révèlent pas nécessairement les faiblesses du système. Elles montrent plutôt le retard ou l'avance des investissements dans tel ou tel secteur ; la prqductivité peut être plus ou moins forte sui- .vant le ·volume des investissements. Néanmoins, les écarts dans les niveaux de productivité d'une branche à une autre sont assez caractéristiques d'une économie mal équilibrée. Les Soviétiques sont les premiers à le reconnaître. Le professeur Katz a calculé le rapport entre la productivité de certaines branches de l'industrie soviétique et celle des mêmes branches de l'industrie américaine ; il arrive à un éventail qui va de 79 %' du niveau américain pour les machines-outils à 17 % pour la margarine, l'acier se situant à peu près à 49 % 8 • Les Soviétiques 8. In Sot&ialistitcheski Troud (le Travail- socialiste), n° 1, 1959.

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