B. IŒRBLAY coup moins profond aux Etats-Unis qu'en U.R.S.S. Il est également intéressant de noter que, malgré les déclarations de Khrouchtchev, selon qui le secteur A devait produire davantage d'équipements pour les industries de consommation, la part de moyens de production mis à la disposition de l'industrie lourde a eu tendance à augmenter plus vite au cours des dernières années et qu'elle a représenté, en 1963, 81 % de la production du secteur A contre 70 % en 1950. Un troisième caractère de la croissance soviétique, sur lequel les économistes s'accordent également, est de s'être opérée en vase clos. Alors que la plupart des efforts d'industrialisation, à notre époque, ont bénéficié ou bénéficient d'une aide extérieure souvent appréciable, la croissance soviétique s'est réalisée sans aide extérieure. Sans doute, au cours des premiers plans quinquennaux, l'Union soviétique a-t-elle accueilli d'assez nombreux techniciens étrangers, américains, italiens, belges et autres, pour le montage des usines ; il y a donc eu assistance technique étrangère, mais non aide financière étrangère : la Russie soviétique n'a pas bénéficié de crédits. On peut cependant dire qu'elle en a effectivement bénéficié dans la mesure où le gouvernement bolchéviste a répudié la dette extérieure tsariste; laquelle s'est trouvée ainsi épongée, ce qui a constitué une aide indirecte appréciable. Mais il faut reconnaître que, durant les premiers plans quinquennaux, !'U.R.S.S. a dû payer très cher l'assistance technique occidentale, parce qu'elle a dû le faire dans un moment où la crise mondiale dépréciait la plupart des produits que le pays pouvait exporter. Hormis cette période, le commerce extérieur n'a pas joué un rôle important dans la croissance soviétique. Enfin, quatrième et dernière. particularité, la croissance soviétique est planifiée, dirigée du sommet, alors que la plupart des croissances industrielles occidentales, plus ou moins spontanées, résultent du libre jeu des décisions des managers) des chefs d'entreprise. Nous abordons ici le problème qui nous occupe, à savoir : dans quelle mesure cette croissance, dont j'ai essayé de dégager les caractères spécifiques, est-elle liée à la planification ? L A PLANIFICATION a-t-elle été un facteur essentiel ? Je voudrais faire deux remarques préalables : la première, c'est que, très souvent, on a tendance à attribuer le bénéfice de l'industrialisation en sa totalité au régime soviétique, en oubliant qu'elle a commencé Biblioteca Gino Bianco 303 bien avant 1917, qu'elle date du XIXe siècle, sinon de plus tôt encore. Présenter la Russie comme un pays sous-développé est certainement une image qui favorise la propagande soviétique, mais qui ne correspond pas à la réalité. Sans remonter trop loin dans l'histoire, il faut rappeler que le retard de la Russie en matière d'industrie est tout relatif ; au XVIIIe siècle, elle était le premier exportateur de fonte en. Europe, et c'est seulement en 1805 que la production de fonte de l'Angleterre a dépassé la sienne (l'Allemagne ne l'a dépassée qu'en 1855) 4 • Au cours des années 1870 à 1913, l'essor industriel a été relativement rapide : d'après les calculs du professeur Goldsmith, le taux annuel d'accroissement de la production était de l'ordre de 5,3 %, donc assez proche du taux soviétique sur longue période ; et dans le domaine des industries de base, par exemple l'acier, entre 1870 et 1913, il est au moins égal à celui de l'Union soviétique entre 1928 et 1948. Ma seconde remarque, c'est que la planification que nous connaissons aujourd'hui ne s'est pas imposée fatalement à ce pays, que d'autres formules de développement auraient été possibles. Je me borne à renvoyer à l'excellent ouvrage d'A. Erlich : The Soviet Industrialization Debate) qui analyse les discussions et les choix, et plus particulièrement les méthodes et les rythmes à adopter. Il en ressort que d'autres solutions étaient possibles, voire d'autres systèmes de planification. Quoi qu'il en soit, le système centralisé de planification autoritaire a prévalu et c'est cette méthode que nous essaierons d'étudier. Que l'industrialisation ait été rendue possible grâce à un système politique ou bien à des techniques économiques, cela reste hors du débat. Tout système économique, pour reprendre la définition de Sombart, est caractérisé par des motivations économiques dominantes, des structures juridiques et un certain état des techniques. Tout comme les autres, le système soviétique est un composé de motivations et de techniques, techniques économiques et régime politique étant ici intimement liés. Je voudrais maintenant rappeler brièvement les caractéristiques du système économique soviétique qui ont pu jouer un rôle dans la croissance industrielle. Au point de vue des motivations, quels sont les rapports entre l'idéologie et la croissance ? Sans doute cela exigerait une analyse du mar4. Alexander Baykov, tn Economie Hiitory Rtt1itw, vol. VII, n° 2.
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