revue l,istorÏIJue et critique Jes fait1 et Je1 idées Septembre-Octobre 1966 Vol. X, N° 5 LA FRANCE ENTRE L'EST ET L'OUEST I L N'EST PAS toujours possible d'intituler un écrit en termes à la fois concis et exacts, dont le sens ne prêterait à aucune équivoque. Est et Ouest n'ont plus, dans la langue politique de nos jours, leur signification initiale, ni même celle que leur conférait Kipling dans sa fameuse Ballad of East and West. Puisque la terre est ronde, tout pays est à l'est de l'un et à l'ouest de l'autre, mais depuis la dernière guerre on entend couramment par l'Est les Etats tombés sous la domination communiste et par l'Ouest ceux qui ont pu rester eux-mêmes, ceux que l'on englobe aussi sous la dénomination de « monde libre », non moins imparfaite. La Russie est à l'orient de l'Europe et à l'occident de l'Asie, le Japon est à l'ouest par rapport à l'Amérique, il y a des exemples de despotisme oriental en Occident, et il ne manque pas de nations privées de liberté dans le « monde libre ». C'est affaire de convention imposée par l'insuffisance du vocabulaire et par le besoin de schématiser. D'autre part, si la France officielle rompt certains liens avec l'Ouest, elle en garde assez pour se réserver une marge de manœuvre tout en nouant de nombreux rapports avec l'Est. Elle se déclare fidèle à l'alliance atlantique dont elle répudie avec éclat· l'organisation qui la rend effective et elle multiplie les avances aux régimes hostiles à cette alliance, motivant sa défection grosse de conséquences par les « changements » accomplis depuis la mort de Staline, affirme-t-on, dans le monde communiste. Cette affirmation concerne notre revue qui prétend traiter la matière communiste en connaissance de cause. La question des changements intervenus dans le communisme après Staline n'est pas nouvelle, notamment ici où l'on n'a cessé de l'examiner au cours de nos dix années d'existence. Une multitude de spécialistes plus ou moins qualifiés, en Occident, s'en occupe et observe, relève, collectionne, signale et cornBiblioteca Gino Bianco mente les moindres signes révélant quelque nouveauté dans l'état précédent des choses. Lé bilan bien établi prouve qu'aux changements de personnes ne correspond aucun changement de principes, que les variations d'aspects ou de formes n'entament en rien le régime en profondeur, que les changements à l'intérieur du système ne réalisent pas un changement du système. Mais à Paris la doctrine officielle professe qu'il ne saurait être question de s'immiscer dans les affaires intérieures d'autres pays et, par conséquent, il ne s'agit pas de reconsidérer ce bilan, pour l'heure. On aura tout loisir de le faire et de s'en expliquer à l'occasion du prochain cinquantenaire des événements mémorables de 1.917. Pour comprendre le revirement politique et diplomatique opéré graduellement par la France sur le plan , international, il faut donc s'en tenir à la politique étrangère de l'Union soviétique et de la Chine communiste, que partagent leurs satellites. Or cette politique étrangère commune à tous les communistes a été définie et proclamée lors des conférences internationales tenues à Moscou en novembre 1957 et novembre 1960, conférences auxquelles se réfèrent constamment les dirigeants russes et chinois en rivalité d'orthodoxie et dont les déclarations finales sont de véritables déclarations de guerre aux nations non communistes, de guerre froide si l'on veut, mais de guerre, et en premier lieu contre les Etats-Unis, l'Angleterre et la France accusés d'impérialisme, de colonialisme et de néo-colonialisme. Rien ne sert de biaiser, d'ergoter, de chicaner, les violences de langage qui précèdent ou accompagnent les violences en action partout où s'offrent des occasions propices, ces violences ne visent pas la principauté de Monaco ni la république d'Andorre, elles visent les Etats-Unis, l'Angleterre et la France. Nul ne peut honnêtement contester que si les Etats-Unis sont plus spécialement attaqués, . . ,
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