Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

294 années, nialgré l'hétérogénéité croissante de ses ·partisans. Bien que tiraillé en des directions opposées, divisé en factions et empoisonné d'animosités personnelles, il apparaissait tout de même, à la veille de la révolution, comme un mouvement unifié, sinon comme uh mouvement homogène. Ses membres n'étaient-ils pas liés par leur commune opposition au régime ? La chute de celui-ci enlève au radicalisme sa raison d'être, tandis que l'attitude d'opposition qu'il représente perd pratiquement la sienne à l'avènement de la République 18 • · Sous la République, pourtant, cette attitude se perpétue, et l'on voit des membres du mouvement disparu s'opposer à nouveau au gouvernement : à celui de Cavaignac d'abord, puis, plus âprement, à celui de Lou~-Napoléon. Mais le fait est que cette opposition fortement militante ne reprend pas son ancien nom. Force nous est donc de conclure que c'est bien l' ~vènement de la République qui amène la disparition des mentions au radicalisme en tant que tel, et non le caractère dépassé d'une attitude d'opposition. Malgré leurs autres usages, les termes « radical », « radicalisme », « parti radical » et « opposition radicale » sont demeurés étroitement associés avec le républicanisme subversif, avec le fait de vouloir la République· sous la monarchie. En conséquence, l'avènement de la République suffit peut-être à rendre inutile toute référence à ces termes 19 • Certains d'entre eux, il est vrai, se sont maintenus durant la première phase de la nouvelle Répuplique. Mais l'emploi semble en avoir été restreint à l'indication d'un républicanisme de longue date, déjà manifesté sous la monarchie. On comprend ainsi la rapide défaveur du mot ·sous une république, fût-elle de ·pure forme 20 • Pourquoi les historiens du radicalisme n'ontils pas abouti à cette conclusion? En premier lieu, c'est que l'idée d'une incompatibilité entre l'identification radicale et l'existence de la 18. Mais que se serait-il passé si un autre régime, non républicain, avait succédé à la monarchie de Juillet? 19. On pourra inférer de l' Illustration. du 10 Juin 1848 (citée par J. Kayser, p. 25, note) que c'était le caractère démocratique de la nouvelle République qui avait enlevé toute base légitime au radicalisme. Mais la République devint très rapidement non démocratique, et pourtant le radicalisme ne réapparut pas dans son vocabulaire. On pourra aussi inférer de la même source que certains anarchistes sociaux se déclaraient radicaux à l'époque. C'était vraisemblablement le fait de quelques hommes seulement; de toute façon, et quel qu'ait été leur nombre, ils ont probablement adopté, ce faisant, une identité politique qui exprimAt mieux leur position. · Biblioteca Gino Bianco .... DÉBATS ET RECHERCHES république va à l'encontre de la conception du radicalisme qui s'est formée sous la IIIe République et qui s'est imposée depuis lors. A ce qu'on appelle la Belle Epoque, en particulier, république et radicalisme s'étaient confondus. L'incompatibilité de l'identification radicale avec le régime républicain au milieu du XIXesiècle soulève inévitablement la question de leur longue coexistence ultérieure. L'existence de .cette identification sous la IIIe République cesse d'être une évidence première pour devenir, au contraire, un phénomène à expliquer. Bien que le but de la présente étude ne soit pas de fournir cette explication, des recherches préli- . minaires semblent indiquer que la réapparition du fait radical, vers la fin du Second Empire, a suivi, pour l'essentiel, le même développement qu'à l'origine : croissance, tant que l'opposition républicaine augmente, puis un. certain déclin après la proclamation de la République. Cependant le deuxième « radicalisme » survivra. Il faut en rechercher la cause avant tout dans la longue lutte que les républicains ont dû livrer pour empêcher l'établissement de la monarchie de fait et assurer une forme républicaine de gouvernement. Le destin de la IP République était présent à toutes les , . memo1res. Une autre raison, plus fondamentale encore, qui fait que les spécialistes n'ont pas abouti à une conclusion aussi plausible que la nôtre, c'est tout simplement qu'ils n'ont pas abordé le sujet avec une ardeur suffisante. Nous l'avons déjà vu avec le cas de F. Buisson et de J. Kayser, la tendance générale a été de penser qu'il s'~gissait tout au plus d'une simple question de vocabulaire : en réalité, le « vrai » · radicalisme n'aurait pas disparu, même s'il se qualifiait autrement. Nous trouvons assez étrange la disposition des historiens du radicalisme à entretenir des ·opinions' aussi fermes sur un phénomène qu'ils ne sont pas en mesure d'expliquer. Peut-on vraiment regarder l'abandon d'une dénomination politique comme étant à ce point dépour- . vu de signification? Nous nous permettons d'en douter. GIL CARL ALROY. : . ( 20. Pdurquoi le danger qui menaçait la République ne fit-il pas renaître l'étiquette radicale? Peut-~tre la République semblait-elle aux contemporains moins vulnérable qu'il ne nous apparaît· avec le recul de l'histoire. Plus vraisemblablement, il se peut qu'être radical, cela ait signifié seulement vouloir la république, et non pas encore la défendre. Enfin, peut-être faut-il des événements, des forces d'une puissance vraiment extraordinaire pour ranimer une identité politique.qui vient de disparaitre totalement •••

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