G. C. ALROY guettes, jusque-là moins fréquemment utilisées, s'est répandu à ce moment précis. Un coup d'œil sur quelques journaux, à la veille de la révolution de Février, par exemple sur le très respectable Journal des Débats, permet de se rendre compte de la grande fréquence de l' appellation de « radical ». Un peu plus sérieux est l'argument de l'origine « exotique » du mot. Mais pourquoi serait-ce subitement un obstacle à sa survie, alors que, dans un passé tout récent, le titre avait été revendiqué avec orgueil ? Quant à la troisième suggestion de F. Buisson - substitution à l'identification radicale de la terminologie socialiste, plus expressive en même temps que plus claire, - elle fait problème. En effet, la plupart des anciens radicaux ne prirent point l'étiquette socialiste en abandonnant l'autre. Buisson n'hésite pas à conclure : « Ce n'est pas que la chose eût disparu avec le mot 14 • » Quelle chose ? A son tour, Jacques Kaiser se pose la question : Les radicaux de 1848, à l'épreuve du pouvoir, ne transigèrent pas avec les idées qu'ils avaient défendues ; ils furent en vérité des radicaux, même s'ils ne se désignaient pas comme tels. Le mot radical se dévalorise. Sous l'Ancien Régime, il signifiait l'extrême gauche. Sous le régime nouveau, l'extrême gauche est le socialisme-communisme 15 • Plausible à première vue, cette explication perd beaucoup de sa vraisemblance quand on la soumet à un examen plus poussé. En réalité, socialistes et communistes constituent l'extrême gauche du spectre politique français, avant comme après la révolution de Février. Ce n'est qu'à la Chambre qu'ils doivent laisser· cette place aux radicaux. Mais cela est également vrai de la première assemblée après la révolution. L'extrême gauche y est représentée par la « Montagne », dont seuls quelques membres sont des socialistes 16 • C'est seulement dans la Législative de 1849 que l'extrême gauche est effectivement tenue pour « démocrate-socialiste ». Incidemment, c'est la première fois que le socialisme est officiellement reconnu dans une assemblée parlementaire française. Certes, il n'est pas impossible que le mot « Montagne » se soit substitué à l'expression • 14. La Politique radicalt', p. 20. 15. Le, Grandes Batailles du radicali.,me ( 1820-1901 ), Parla 1962, p. 25. 16. Même 11 nous devions considérer ces nouveaux venus comme formant l'extrême gauche, quel rapport avec Je fait que d'nutrrs hommes avalent chang<- d'identité politique? · Biblioteca Gino Bianco 293 de « parti radical », pour mieux convenir à la nouvelle, à la plus large alliance des anciens radicaux avec les socialistes et les communistes. Cela, cependant, est peu probable - pour des raisons nombreuses, et de poids. Le terme de « Montagne ·» avait déjà été utilisé pour désigner quelques radicaux, bien avant que la nécessité d'une alliance avec les socialistes ne se soit fait sentir dans la première assemblée de la nouvelle République 17 • La disparition de toute mention au radicalisme était presque complètement consommée lorsque cette assemblée se réunit pour la première fois. Nous trouverons une explication plus plausible de la résurrection du vocable de « Montagne » dans l'ancienne coutume républicaine de revivre la grande Révolution. La remarque de J. Kayser n'en ouvre pas moins des perspectives fort intéressantes. C'est dans des circonstances qui rendirent le socialisme particulièrement vivace que le radicalisme subit une chute verticale. On songe aussitôt à l'intérêt général et ardent que suscite la « question sociale », question qui domine désormais, semble-t-il, toutes les autres. Dans cette voie, on aboutit rapidement à certaines conclusions peu réjouissantes pour l'historiographie du radicalisme français. La persistance de ce dernier après la révolution a souvent été exprimée en fonction de la question sociale ; or là résiderait précisément une cause, au moins partielle, de la disparition du radicalisme. Pourtant, cette incompétence supposée du radicalisme dans le domaine social n'est pas la seule explication qui puisse être fournie, ni même, peut-être, la plus convaincante. Malgré l'importance de la question sociale dans le déroulement de la révolution de Février et sous la Ile République, celle-ci était déjà vitale dès avant la disparition du radicalisme, et par la suite elle ne fut pas le seul grand problème que l'on dut tenter de résoudre. V C E QUI PARAIT essentiel pour expliquer la la longue éclipse du radicalisme dans le langage politique français, c'est la révolution elle-même et ses conséquences : chute de la monarchie et avènement de la République. Fondé en tant qu'opposition quasi séditieuse à la monarchie de Juillet, le mouvement radical a survécu comme par miracle pendant plusieurs 17. Cf. Journal drs Débat& (i'dttlon dt>s dt\tlnrtemrnh-), 6 Janv. 1848.
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